Homélie du père François-Xavier – Noël 2025

Ce récit de la Nativité ne commence pas par « il était une fois », parce que Noël n’est pas un joli conte de fées ni un récit mythologique ! St Luc ne nous raconte pas d’histoires ! Il a connu la Vierge Marie, et en bon historien il a puisé aux meilleures sources, c’est pourquoi il déclare : « en ces jours-là », en précisant l’époque : sous César Auguste, et le lieu : à Bethléem de Judée. Ainsi, « en ces jours-là » s’accomplit la promesse que Dieu avait faite à nos pères. « En ces jours-là » se réalise l’annonce faite à Marie : Dieu fait irruption dans l’histoire des hommes, notre histoire…, c’est Noël ! L’incroyable naissance du Fils de Dieu au milieu de nous. C’est la Nativité du Seigneur ! Le croyons-nous vraiment ? De grâce, comme disait le Pape François, ne nous laissons pas voler notre joie de Noël.
C’est donc avec émerveillement qu’il nous faut à nouveau regarder, contempler cette scène évangélique de la naissance du Fils de Dieu. « Elle mit au monde son fils premier-né et le coucha dans une mangeoire ». Quelle sobriété, quelle simplicité et quelle intensité dans cette seule petite phrase ! Il n’y a pas beaucoup de détails ; c’est une naissance qui pourrait ressembler à toutes les naissances. Sauf qu’ici, le ciel s’ouvre pour fêter l’évènement et se réjouir de la naissance du Sauveur. Les anges en descendent pour chanter la gloire de Dieu : « gloria in excelcis Deo » ! Des anges seulement ? Non, il y a aussi des hommes, des bergers.
Soit les plus hautes créatures des cieux et les plus humbles habitants de cette terre. Ce soir, nous aussi, avec un cœur de pauvre, accueillons ce grand signe que Dieu nous donne : le signe de la Vierge qui enfante. Ce signe est le fondement de notre foi chrétienne et de notre civilisation chrétienne : ne nous laissons pas voler la joie de Noël…
Dans ce récit, St Luc a aussi choisi de mettre face à face, en quelque sorte, deux personnages opposés : Jésus, bien sûr, le fils de Dieu venu dans le monde, face à l’empereur César Auguste, vénéré comme un dieu, le chef incontesté de tout le monde Romain. Soit le plus faible et fragile, un enfant nouveau-né, face au plus Puissant des chefs de guerre. Sous l’autorité de l’Empereur, le monde est en paix, depuis de nombreuses années. C’est la Pax Romana ! Mais à quel prix ! Les légions font régner un ordre implacable et près de la moitié de la population est réduite en esclavage. Jésus, l’enfant de Bethléem, nous est présenté lui aussi comme « le Prince de la Paix » (cf 1ère lecture). Face à la Pax Romana, il y a donc aussi la Pax Christi ! St Luc, en mettant face à face ces deux personnages, veut donc nous rappeler qu’il existe deux sortes de paix : celle du monde, celle de César qui se prend pour un dieu et qui s’impose en écrasant les pauvres et les faibles. Celle de Dieu qui se fait
homme, qui nous est donnée par Jésus, venu relever les pauvres et donner sa paix aux hommes de bonne volonté. C’est bien ce que disent les anges dans la nuit de Bethléem : « paix sur la terre aux hommes qu’il aime ». C’est ce que Jésus rappellera lui-même plus tard à ses disciples, le soir de sa résurrection : « je vous laisse la paix, je vous donne ma paix. Ce n’est pas comme le monde que je vous la donne ». Il nous faut bien comprendre ce qui sépare radicalement ces deux conceptions de la paix.
L’empereur César, lui, ne peut exercer sa domination que d’une façon extérieure, en imposant sa puissance sur les peuples vaincus, soient militairement, soit moralement, et qui doivent se soumettre à son autorité et respecter la rigueur de sa loi. Aujourd’hui les choses n’ont pas beaucoup changé : la paix du monde est toujours une paix précaire, parfois une fausse paix qui provoque ou tolère de terribles injustices et oppressions. Combien d’enfants ne verront pas le jour cette nuit, ou bien sont maltraités, obligés de fuir la guerre, de fuir leur terre ? Combien de chrétiens seront empêchés de célébrer Noël, n’ayant même pas le droit d’aller prier devant la crèche, voire même de faire une crèche…
La Pax Christi, c’est la paix que Dieu donne à tous les hommes de bonne volonté. C’est une paix intérieure, reçue par la grâce du Christ : Jésus veut régner d’abord dans nos cœurs, en exerçant sur nous la puissance de son amour. Jésus, le prince de la paix, l’enfant nouveau-né, est venu nous faire renaître nous aussi de l’eau et de l’Esprit, par le baptême pour que nous puissions devenir enfant de Dieu. L’apôtre St Paul, citoyen Romain devenu citoyen chrétien, citoyen du ciel, comprendra cela lui aussi un jour, lorsqu’il aura rencontré Jésus : Il écrira aux chrétiens de Rome : vous n’êtes plus esclaves de la peur, vous êtes enfants de Dieu !
Nous comprenons ce soir que la paix de Noël est le grand don de l’amour de Dieu pour nous. La paix du Christ est le grand cadeau de Dieu notre Père pour ses enfants : le plus grand s’est fait le plus petit. Qui peut avoir peur d’un petit enfant ? Qui pourrait avoir peur de redevenir comme un petit enfant, en contemplant ce mystère de Noël. Faisons la paix avec Dieu, et nous aurons la paix dans le monde, la paix dans nos cœurs, la paix dans nos familles, la paix pour tous ceux qui acceptent de devenir enfants de Dieu.
C’est la grande expérience chrétienne qu’il nous faut refaire sans cesse. Dans la nuit de ce monde s’est levée une grande lumière : un enfant nous est né, un Fils nous est donné. En cette nuit de Noël, chacun de nous doit pouvoir faire un bel acte de foi et d’adoration, malgré toutes les résistances et les souffrances qui peuvent encombrer notre cœur ; chacun doit pouvoir (re)choisir Jésus, comme Seigneur et Sauveur de sa vie. Venite adoremus ! « Seigneur nous t’en prions : accorde à ceux qui s’inclinerons devant l’enfant de Bethléem la grâce du salut et de la paix ». AMEN !
Père Françoix-Xavier Henry
le 24 décembre 2025
