Homélie de Monseigneur Fruchaud – 4 août 2019

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Etre riche en vue de Dieu

Les lectures de ce jour nous rappellent que les événements tragiques nous surprennent toujours : nos biens et nos vies sont fragiles ! L’homme décrit dans l’évangile est bien l’homme de tous les temps, les temps d’hier comme ceux que nous vivons actuellement. Nous éprouvons tous, au fond de nous-mêmes, ressentie plus ou moins fortement suivant nos tempéraments, une inquiétude pour l’avenir, pour nos vieux jours : aurons-nous le nécessaire pour vivre ? Et les générations à venir qu’auront-elles ? Que leur laisserons-nous ? Inquiétudes souvent justifiées dans les situations sociales et économiques que nous connaissons.

Quoi qu’il en soit des conjonctures du moment, à toute époque, l’homme a pu constater la fragilité de sa vie, face aux surprises de son état de santé, d’un accident, d’une catastrophe naturelle ou même de la violence incompréhensible des hommes. Alors quand, comme dans la parabole de l’évangile de ce jour, nous entendons : «  Tu es fou : cette nuit même, on va te redemander ta vie, » on s’interroge.

Entendant un tel avertissement c’est la réflexion du Sage de l’Ancien Testament qui nous interpelle. Nous l’entendions dans la première lecture. « Vanité des vanité, tout est vanité ! » En attirant notre attention sur ce point ce Sage des temps anciens ne nous invite pas à l’imprévoyance et à l’insouciance ; il ne nous invite pas à ne pas nous soucier des lendemains pour nous-mêmes et les générations à venir ; il nous invite, comme nous le chantions dans le psaume 89, à redécouvrir auprès de Dieu le vrai sens de notre vie. Il nous fait dire dans notre prière : « Apprends-nous, Seigneur, la vraie mesure de nos jours. »

Mais en quoi consiste « La vraie mesure de nos jours » ? Quelle est-elle au regard de Dieu ?  Elle consiste à prendre chaque jour conscience que notre vie vient de Dieu ; que nous venons de lui et que nous retournons vers lui. Nous retournons jour après jour vers Celui qui de toujours est notre Père. Jésus est venu parmi nous pour nous aider à organiser notre vie en vue de notre retour au Père, comme la parabole de l’évangile nous le rappelait.

Notre grande sécurité que nous rappelle le Christ se trouve dans la certitude que nous a donné le Seigneur que si nous vivons dans son amour et dans l’amour de tous nos frères nous vivrons éternellement avec Lui dans le bonheur qu’il nous a promis.

 

St Paul dans le passage de sa lettre entendue en seconde lecture invitait la communauté chrétienne de la ville de Colosse à emprunter ce chemin où se trouvait la source de la vraie joie. Il leur disait et il nous le redit ce matin à nous tous : « Recherchez les  réalités d’en haut, c’est là qu’est le Christ ». Saint Paul nous invite à dire avec lui : « Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi ». La sécurité qui nous vient de notre confiance dans le Christ n’est pas celle que donnent les biens matériels aussi nécessaires qu’ils soient. S’il nous faut être prévoyant pour nous et pour les générations à venir, il nous faut tous être bien conscients que tous les biens de ce monde ne peuvent ajouter de la vie à la vie ou lui donner du sens.

Quand saint Paul écrivait sa lettre aux Colossiens il savait bien que les chrétiens de cette jeune communauté étaient immergés dans une société païenne. Il leur recommandait sans langue de bois de renoncer radicalement à tout ce qui en eux appartenait au monde dans ce qu’il a de plus dégradant : « débauche, impureté, passion, désir mauvais, et cette soif de posséder qui est une idolâtrie ». Autant de sources contagieuses de peur, de désespoir et finalement de violence. « Votre adversaire, le diable, tapi au fond de vous, cherche qui dévorer »  dira St Pierre. En cela nous savons que des sociétés entières peuvent arriver à se laisser surprendre. Le fait que l’Evangile parle d’héritage n’est pas anodin : combien de familles se dévorent toujours entre elles à propos de querelles d’héritages, alors que ceux-ci sont faits pour être partagés et non pour opposer ; malheureusement l’intérêt en vient à détruire les liens du sang et du cœur. Le Pape François transpose cette notion d’héritage aux biens de notre terre : à cause de notre refus de partage et de mesure ils s’épuisent vite pour tous, et cela suscite bien des conflits qui risquent de se multiplier si chacun ne cherche que son propre enrichissement.

« Là où est ton cœur, là aussi sera ton trésor », a dit Jésus. Ce trésor est posé en quelque sorte sur deux piliers : la prière et l’amour fraternel. La prière nous fait découvrir comment Dieu aime et est partage. Il l’est au plus profond de sa propre vie et dans la façon dont Il est venu nous sauver. Jésus nous a apporté le plus grand témoignage de cet amour : « il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime ».

Puissions-nous être des acteurs de la grande espérance qui animait St Paul en contribuant à bâtir un monde où il n’y aura plus ‘ni Grec ni Juif, ni barbare ni esclave’ mais des hommes capables de communier entre eux, d’être unis dans leurs différences par la force du Christ venu nous libérer.

 

Frères et sœurs, le grand appel que le Seigneur nous adresse à tous et à nouveau en ce jour ne serait-il pas celui-ci : demain tu seras comblé et pour l’éternité si aujourd’hui ta première préoccupation est de bien placer ton trésor où il doit être, dans le partage et le service de tes frères. C’est cela qui permet, comme le disait la dernière phrase de l’évangile de ce jour, « d’être riche en vue de Dieu ».

 

Monseigneur Lucien Fruchaud
Evêque émérite de Saint Brieux Tréguier
Préfailles, le 4 août 2019

 

Qo 1, 2 ; 2, 21-23
Ps 89
Co 3, 1-5.9-11
Lc 12, 13-21

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

En ce temps-là,
    du milieu de la foule, quelqu’un demanda à Jésus :
« Maître, dis à mon frère
de partager avec moi notre héritage. »
    Jésus lui répondit :
« Homme, qui donc m’a établi
pour être votre juge ou l’arbitre de vos partages ? »
    Puis, s’adressant à tous :
« Gardez-vous bien de toute avidité,
car la vie de quelqu’un,
même dans l’abondance,
ne dépend pas de ce qu’il possède. »
    Et il leur dit cette parabole :
« Il y avait un homme riche,
dont le domaine avait bien rapporté.
    Il se demandait :
‘Que vais-je faire ?
Car je n’ai pas de place pour mettre ma récolte.’
    Puis il se dit :
‘Voici ce que je vais faire :
je vais démolir mes greniers,
j’en construirai de plus grands
et j’y mettrai tout mon blé et tous mes biens.
    Alors je me dirai à moi-même :
Te voilà donc avec de nombreux biens à ta disposition,
pour de nombreuses années.
Repose-toi, mange, bois, jouis de l’existence.’
    Mais Dieu lui dit :
‘Tu es fou :
cette nuit même, on va te redemander ta vie.
Et ce que tu auras accumulé,
qui l’aura ?’
    Voilà ce qui arrive à celui qui amasse pour lui-même,
au lieu d’être riche en vue de Dieu. »

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