Le quartier Gourmalon
Avant 1870, imaginez une lande quasi déserte avec des vignes à son pourtour, où les menhirs et dolmens semblent sortir de terre pour borner quelques garennes. Sur le chemin côtier, les promeneurs vont et viennent librement entre le port et la source. Le plateau de Gourmalon est urbanisé à vrai dire près de mille ans après la ville haute car la partie gauche de la ria souffre d’une exposition au nord. En outre, il dépend jusqu’en 1836 de la commune du Clion dont les intérêts ruraux ne la portent pas à l’aménagement de ce secteur. Le plateau est donc resté abandonné durant plusieurs siècles, n’offrant que de maigres pâturages au troupeau de la ferme de Gourmalon tenue depuis longtemps par la famille Benoît. Mais Alfred Benoist devient maire en 1871. Une année plus tard, il propose à la commune de construire un chemin vicinal au long du littoral pour relier la ferme à l’ancien corps de garde de la pointe ainsi qu’une passerelle unissant Gourmalon au centre de Pornic.Il poursuit l’idée de lotir sa propriété comme prévoit de le faire Constant Blandin aux Grandes Vallées. Le 8 décembre 1873 est créé le syndicat des propriétaires de Gourmalon qui fixe le règlement de l’urbanisation à venir : ventes et desserte des terrains, plan de voirie orthogonal, protection des perspectives sur la mer, interdiction de construire des usines ou des établissements insalubres et incommodes. Poussant au plus loin ces mesures prophylactiques, Benoist précise que les maisons publiques ne seront pas autorisées de même qu’on ne pourra introduire, même passagèrement, des personnes de mauvaise vie (article VII). Le promoteur de l’opération crée bientôt la Société Immobilière des Bains de Mer de Pornic chargée de vendre les terrains après avoir commandé à Lenoir la réalisation du casino des Flots. Les nouveaux gourmalonais souhaitent vivre en famille dans une architecture balnéaire typée et dépaysante. Ils tiennent à leur autonomie, satisfaits en créant une ville nouvelle avec ses propres commerces de définir une identité à leur quartier. Ils aménagent leurs plages de l’Anse aux Lapins et de la Source. Ils élisent surtout un président de la République de Gourmalon pour marquer leur indépendance d’esprit!
Une querelle de chapelle
Parmi ces nouveaux habitants se distingue Léon Maître, célèbre archiviste nantais. Après avoir fait la promotion de la légende celtique de Gurmaëlon – jeune homme envoyé par le roi d’armorique Gradlon au IV° siècle pour fonder la ville de Pornic – il prétexta que ce mythe reconnaissait aux premiers gourmalonais le droit de constituer une société à part et reconnue par les dieux. En conséquence, il propose, en 1897, d’édifier une église au cœur du quartier. Il invoque la distance qui sépare Gourmalon de l’église de Pornic en raison de l’obstacle que constitue l’estuaire de Haute-Perche. Calculez les inconvénients des petits bateaux de passeurs, transportant tous les dimanches, toutes les dames et les enfants, car on ne nous fait pas la passerelle promise par le conseil municipal ; on attendra un accident avant de la faire. Gourmalon devient populeux et ces bateaux sont dangereux[1]. Le curé Loiret, ministre de la paroisse de Pornic, se déclare hostile à ce projet. Dans le but de calmer les esprits, il préconise l’érection d’un calvaire pour rappeler l’ancienne procession qui conduisait les marins à la pointe de Gourmalon avant le départ des navires hauturiers. Le premier mars 1899, le calvaire est érigé sur la place de la Liberté, à deux pas de Roche Gann, la villa des chocolatiers Poulain. Le curé estime que cela devrait suffire étant donné que les quelques opposants ne sont que des francs-maçons avérés et ouvertement hostiles. Ils n’ont aucune influence ici où ils passent deux mois de l’année et son fort peu estimés. Léon Maître est berné ! Une fois passée l’affaire des Inventaires, il fait pourtant bâtir sa chapelle sans la moindre autorisation, grâce à la générosité de 24 donateurs dont les noms sont gravés sur les murs intérieurs du bâtiment. Il constate avec amertume qu’il est plus facile de construire le casino des Flots qu’un oratoire dédié à Notre-Dame[2]. Faute de desservant, il en appelle au Pape qui rend sa sentence le 10 mars 1910 : Gourmalon, quartier éloigné de l’église paroissiale qui reçoit, chaque année, l’été, une nombreuse population, doit bénéficier d’un lieu de culte. Le 1° avril suivant, le curé demande à deux membres du conseil paroissial de bien vouloir l’assister lors de l’entretien qu’il doit avoir avec Messieurs Duval et Maître pour traiter des conditions relatives à l’ouverture et au service de la chapelle. Une véritable reddition en somme !
[2] Il existe pas moins de quatre statues de la Vierge dans la chapelle de N-D de Gourmalon.
Extraits du livre « A la découverte de Pornic » de dominique Pierrelee