Vie de la Paroisse

 L’Esprit de la liturgie

Résumé de l’intervention du 6 janvier 2012 à Pornic – Père Rémy Crochu

I - La liturgie : une spiritualité, en deçà des fonctions et des rites

1) Une promesse de mariage

Nous reconnaissons la formule des consentements que s’échangent un homme et une femme pour sceller leur union conjugal. « Comme l’épouse (devant son mari), la communauté est venue (à la messe) et s’est rassemblée pour recevoir le bien de Dieu des mains de son ministre (le prêtre) qui se tient devant elle comme une figure de l’époux. (…) De même que l’Epoux vient au devant de l’épouse et donne le témoignage de son amour en lui livrant son corps, de même le prêtre lorsqu’il dit à son épouse, en chaque eucharistie : "Je me donne à toi pour t’aimer tous les jours de ma vie" » (Card. Ph. Barbarin)

2) Une Eglise de pauvres

Cette description de l’eucharistie et du lien qui unit idéalement le prêtre avec la communauté qui lui a été confiée tranche avec l’idée que nous nous faisons ordinairement de nos liturgies, à la fois si divines et belles mais tellement humaines et maladroites. Dans le domaines, il n’y a ni époux idéal (un prêtre sans défauts), ni épouse parfaite (la paroisse de rêve !). Nous avons trop vite en mémoire, récente ou passée, les déficiences des uns et des autres : le prêtre attaché à son pouvoir, l’animateur qui s’écoute chanter, l’organiste qui s’écoute jouer, l’assemblée qui consomme de la messe. « Les pauvres sont la richesse de l’Eglise » (St Laurent, Diacre).

3) Un orchestre symphonique

Chaque tâche aussi modeste soit-elle, est appelée à participer à une œuvre qui nous dépasse tous infiniment.

- Une célébration est un jeu d’orchestre. Le but d’un orchestre, c’est de produire une œuvre musicale. Si l’œuvre est précédée de la partition et son auteur, cette partition n’est rien tant qu’elle n’est pas « interprétée » par les musiciens et offerte au public qui est venu l’écouter et s’en nourrir. Le but de la liturgie, de même, est de produire dans des cœurs de chair une œuvre unique : l’Evangile du Christ. C’est une œuvre collective. Elle n’est pas réalisée par la somme d’exploits individuels mais une communion, une coopération à l’œuvre unique. Ainsi, le drame parfois de nos liturgies est que, réunis dans le même lieu (ou la même paroisse) nous ne donnons pas forcément le sentiment de participer au même « concert », nous ne jouons pas ensemble, mais chacun dans son coin ! « si c’est l’Église qui fait la liturgie (entendez "qui la célèbre"), c’est la liturgie qui fait l’Eglise (entendez "qui la sanctifie"). »

- Le prêtre, chef d’orchestre

Pour interpréter une œuvre musicale, il faut qu’il y ait un chef qui soit à la fois une oreille attentive à la partition et l’autre attentive à l’orchestre. Pris individuellement, les musiciens sont tous capable, généralement, avec plus ou moins de travail (on n’a rien sans rien !). Cependant, la partition d’une symphonie ne supporte pas ceux qui « se la jouent en solo » ! L’Eglise est une symphonie des vocations et des dons individuels mis au service de l’ensemble. « Nous sommes le Corps du Christ, dit Saint Paul (Cf. 1Co12) : chacun a reçu la grâce de l’Esprit pour la mettre au service du bien de tous (du Corps entier) ».

Le prêtre est « chef-d’orchestre » de sa paroisse en étant attentif à la fois à l’Evangile et son Auteur et à la Communauté qu’il a charge d’accorder, de guider, de soutenir et d’encourager.

- Plusieurs communautés locales dans une seule paroisse

La liturgie en un lieu de la paroisse n’est pas à dissocier de celle qui est vécue en un autre clocher. C’est pourquoi je reste attaché à une homogénéité des propositions des équipes liturgiques (chants ou gestes) dans les différents clochers.

4) « Prêtre pour vous et chrétien avec vous »

Saint Augustin : « Pour vous je suis évêque ; avec vous je suis chrétien ».

le prêtre est « pour » en étant le signe sacramentel du Christ qui « convoque et rassemble » l’assemblée. On parle de messe « dominicale » parce qu’elle est présidée par le Seigneur lui-même ("Dominus"). De ce point de vue ("pour vous"), celui qui préside est situé du côté du «Christ/époux ».

Cependant, il n’oublie pas qu’il est aussi présent comme baptisé. De ce point de vue, cette fois, le prêtre est situé du côté de « l’Eglise/Epouse ».

La première vocation de la liturgie est de nous traduire ce "mariage", cette "alliance" de l’époux et l’épouse jusque dans l’occupation des espaces liturgiques et l’attitude des différents acteurs, chacun selon sa fonction propre, y compris l’assemblée.

5) Diacre, serviteur de la prière et de la charité

Sa mission de service (diakonia) est essentiellement de favoriser l’union des fidèles à la prière du prêtre. Dans la symbolique de l’orchestre, il serait en quelque sorte « à la table de mixage » (suggestion de JJB !). Ou encore, il serait celui qui travaille à la symphonie des voix de l’orchestre et qui appelle chacun à la fidélité à la « partition » (de l’évangile).


II - Quelques explications ou applications particulières

  • Les préparatifs. Le « concert » sera d’autant plus beau que la préparation aura été de qualité. Les équipes liturgiques et l’équipe répertoire, les fleuristes, les gens de sacristie : tous ont une grande responsabilité dans la qualité de nos liturgies. Le prêtre aussi, qui préside et doit garder une certaine liberté, ne serait-ce que pour des raisons de discernement pastoral. Le souci premier de chacun et de tous doit être le service de la prière et de l’unité de la Communauté.

  • Le chantre. On a compris que, dans la mesure où le Christ est le centre de l’action liturgique, il n’est pas possible de penser l’animation du chant à la manière du chef d’orchestre (ou du chef de chœur) durant un concert. Il ne peut pas y avoir concurrence avec… le Christ ! Le chantre est avant tout au service de l’assemblée dont il est membre. Il importe qu’il soit compétent, formé et bien préparé, qu’il soit au service de la prière et de l’action liturgique et non « à son compte ».

  • La chorale, l’organiste, musiciens. La chorale est placée (dit le missel Romain) « de telle sorte qu’apparaisse clairement (…) qu’elle fait partie de l’assemblée des fidèle réunie dans l’église (et qu’)elle accomplit une fonction particulière (dans l’assemblée) » (PGMR 274) (Idem pour l’orgue ou les musiciens).

  • Les jeunes et les enfants. Si nous pensons que la messe est celle des jeunes « de temps en temps », alors faut-il s’étonner qu’ils nous disent que la messe c’est celle « des vieux » ? Nous devons penser leur intégration ordinaire dans la vie paroissiale. Ce qui suppose d’avoir un peu de souplesse dans nos goûts comme dans nos plannings…

  • Communion aux malades. En les appelant et en les bénissant à la fin de la messe, le prêtre leur confie la mission d’être en quelque sorte son « prolongement » en allant rejoindre les malades et en leur signifiant ainsi que, bien qu’immobilisés, ils font partie de la Cté qui a prié aussi pour eux.

  • Les servants de messe et le groupe "Magnificat". Des filles au service de l’assemblée et de sa prière : distribution des feuilles de chant, procession des offrandes, rassemblement des enfants pour une liturgie spéciale, etc. Elles sont complémentaires des servants de messe qui œuvrent dans le chœur. Filles/garçons ? Rien de systématique mais une signification symbolique non négligeable et une tradition multiséculaire respectable.

III - La symphonie liturgique : coopérer à une même œuvre

De même que dans l'orchestre, les musiciens ont chacun l'exigence de s'accorder et s'ajuster au même tempo dans le respect de leur partition propre, la liturgie appelle la coopération de tous les acteurs liturgiques avant et pendant la célébration.

La liturgie, si elle est vécue du seul point de vue de la technicité individuelle des acteurs, risque bien souvent d’en rester au stade de "Répétition générale". « Il est de la plus grande importance (dit la PGMR) que la célébration de la messe (…) soit réglée de telle façon que les ministres et les fidèles (…) en recueillent pleinement les fruits » (Ch. I, §2). L'improvisation n'est pas possible et s'imaginer qu'il suffit de suivre la feuille liturgique (aussi précise soit-elle) laisserait croire qu'il suffit à un musicien de jouer les notes pour que la musique soit belle ! Il me paraît inconcevable que les différents acteurs de la liturgie ne prennent pas un moment pour se réunir, ne serait-ce que quelques instants avant la messe, pour s’accorder quelque peu sur tel ou tel point : un chant, une geste, une démarche, une annonce…

Je souhaite par ailleurs qu’environ 10mn avant la messe, un temps bref de prière (un Notre Père ou un Je vous salue Marie) réunisse tous les acteurs (y compris le prêtre) devant le Saint Sacrement pour confier au Seigneur la fécondité de notre mission, par-delà nos talents ou nos imperfections.

Cette disposition concerne également les acteurs hors planning que peuvent être un lecteur, un quêteur, un ministre de la communion. Il faut qu’il comprennent eux aussi qu’ils coopèrent à une « œuvre » (liturgique) qui n’est pas réductible à la somme des contributions individuelles mais constitue une vraie symphonie (cf. l’image de l’orchestre).

Conclusion

Cette réflexion reste ouverte, mais elle appelle des prises de conscience et des décisions en termes de préparation, de formation, d’exigence personnelle de chacun, y compris spirituelle.

Ne jamais oublier que la liturgie est avant tout un lieu pour l’évangélisation de ceux qui la vivent, y compris des visiteurs occasionnels voire exceptionnels. J’aimerais, de ce point de vue, que nous prêtions une attention très particulière à notre sens de l’accueil. Sait-on combien il est difficile de commencer ou recommencer la "pratique" pour quelqu’un qui n’en avait pas ou plus l’expérience ?

Ne jamais oublier que l’acteur principal de la liturgie, bien qu’invisible, c’est l’Esprit-Saint. Il agit jusque dans nos faiblesses.



Rémy Crochu. Pornic, le 7 janvier 2012.

L'esprit de la liturgie
 
L'esprit de la liturgie