Vie de la Paroisse

LA CUISINE D'HOEDIC

Comme vous le savez sans doute, le père Arnaud emmène régulièrement les jeunes de nos paroisses en camp sur l’île de Hoëdic. Le cuisinier de service commençait à trouver que la cuisine était bien sommaire pour préparer les repas d’autant de jeunes… La décision fut prise de récupérer les anciennes boiseries de la chapelle des Petites Sœurs des Pauvres de Nantes afin de la transformer en une cuisine, prêtée à l’île de Hoëdic.

Trois bénévoles de notre paroisse ont passé plus de 430 heures sur ce projet pour concevoir la cuisine, la monter dans la cave du presbytère de Tharon, la démonter et la remonter à Hoëdic.

Retrouvez des photos de cette aventure et toute l’histoire sous forme de conte…

 

LA CUISINE DES ANGES*

*(titre emprunté au film de Michael Curtiz, sorti en 1955.)

 

Ses parents lui avaient donné l’autorisation de partir avec le Père Arnaud qui organisait un camp de jeunes sur l’île d’Hoëdic. C’était la première fois que petit Jean quittait sa famille pour une si grande aventure.

Sur le bateau, le petit fripon laissant son oreille traîner, entendit que le curé aimait bien les gâteaux au chocolat et qu’il y en avait toujours en réserve lors de ces expéditions. Ainsi, un jour alors qu’il était bien fatigué et que ses compagnons exploraient l’île, poussé par la gourmandise, Petit Jean se glissa tel un félin dans la cuisine; une bien belle cuisine, toute en chêne, dont le bois brillant et étincelant tranchait avec les murs de pierres dégarnies et mal jointes de la pièce.

Afin d’être à l’aise pour réfléchir et trouver plus sûrement la cachette abritant les gâteaux convoités, il s’assit au milieu de la pièce balayant de son regard les placards si beaux, bien polis et lasurés. Finalement, il se dit que le mieux était d’ouvrir les portes les unes après les autres.

Alors qu’il se mettait en demeure d’exécuter ce stratagème coupable, et que sa main venait de toucher le bois du premier placard, une petite voix, semblant sortir du meuble, l’interpella :

-« Oh ! Petit Jean, moi qui viens d’une chapelle, je ne voudrais pas te voir faire un mauvais péché !!!! »

Quoi que très douce, cette voix emplissait la pièce et le cœur du petit coupable, un peu comme celles de notre conscience ou notre Ange Gardien !!!!!!!

- « qui me parle ? » interpella petit Jean

- « c’est moi, la belle cuisine !» lui répondit le meuble qui poursuivit ; «au lieu de faire cette vilaine action, veux-tu que je te raconte mon histoire, une bien longue histoire que même les centenaires ne peuvent pas connaître ? »

-« Oh  oui, Oh oui ! » s’écria Petit Jean qui précipitamment alla s’asseoir sagement sur une chaise de la cuisine.  

- « il y a très très longtemps, reprit le bois du meuble, j’étais un jeune arbre qui vivait heureux dans la forêt, je grandissais faisant l’admiration de toute la forêt. J’étais devenu si beau, si grand et si droit que je fus remarqué par des hommes ; un charpentier et un menuisier. En effet, à cette époque les petites Sœurs des Pauvres construisaient une chapelle pour leur hospice de NANTES et l’on avait besoin de bois de qualité.

« Un jour ces ouvriers vinrent dans ma forêt avec des outils, ils me coupèrent, me taillèrent en planches, me polirent jusqu’à ce que je devienne les portes et les boiseries de la chapelle. C’est ainsi que durant de longues années j’assistais aux offices, me recueillant dans les senteurs d’encens, et priant mon Créateur au son des cantiques tous plus beaux les uns que les autres. Je connus le latin, puis le français, comme un ami intime ou un parent j’assistais aux évènements heureux ou plus tristes des paroissiens et des pensionnaires de l’hospice. Je faisais partie de leur vie.

« Cependant, alors que les années passaient dans la quiétude et la prière des fidèles, le bâtiment vieillissait. Bientôt, fatigué et vieillot, il fut déclaré inadapté aux exigences modernes. Il fut visité par les gens de la ville qui décidèrent, en tant que propriétaires, qu’il fallait démolir la chapelle pour reconstruire un bel édifice mieux adapté aux personnes âgées et s’inscrivant dans le contexte général du nouvel hospice qui devait voir le jour.

« - quelle tristesse » soupirions-nous, et avec les compagnes, les boiseries et les portes de la chapelle, nous pleurions de « finir notre carrière sur le bûcher de la modernité alors que nous étions encore vaillantes ; c’était à pleurer ! ».

« La période qui suivit fut bien triste, les hommes se détournèrent de nous, ce fut la désacralisation, puis la désaffection et bientôt le dépouillement de tout ce que contenait la chapelle. C’est ainsi qu’un jour, nous vîmes arriver un curé avec quelques paroissiens, ils venaient récupérer des bancs et des fauteuils pour les installer dans leur paroisse du bord de mer. Tandis qu’ils nous dépouillaient de nos compagnons, je remarquais que l’un d’eux ne cessait de m’envoyer des œillades, me regardant avec insistance et envie, c’en était gênant et j’en rougissais de confusion. Que se passait-il dans sa tête ?

 « Enfin, avec le départ de ces vandales le calme revint dans la chapelle. Nous avions cependant, perdu nos compagnons, les bancs, tout était désespérément vide et nous étions alors dans une grande solitude et une profonde tristesse! Pas pour longtemps comme nous allons le voir.

« C’est en effet à cette époque que nous vîmes arriver une équipée de trois branquignoles que l’on surnommait « les Pieds Nickelés », il y avait :

- Ribouldingue, alias Daniel, que l’on surnommait le « magicien » car il était capable de transformer du bois de chauffage en une superbe cuisine. C’est lui qui me jetait des regards envieux lors du déménagement des meubles. J’allais donc connaître son projet et ses intentions. Il était toujours prêt à faire un « mauvais coup » pour aider la paroisse ou ses semblables.

- Filochard, qui, pour ses intimes se prénommait Maurice. Contrairement à son personnage de bande dessinée, il était loin d’être borgne, bien au contraire il avait l’œil vif, le geste précis et juste, doté d’un calme et d’une grande maîtrise en toutes circonstances, qualités qui lui valurent d’être appelé « le chirurgien ». A sa retraite, le pauvre s’était fait embrigader par la bande de joyeux bricoleurs.

- Croquignol, dit également James, qui, chargé des cordons de la bourse, était affublé du nom de « Picsous ». Il n’avait pas son pareil pour radiner dans les achats, poncer, lasurer et manipuler les planches.

(Nb : selon la formule consacrée, cette description est une simple fiction, tout rapprochement avec des personnages existants ou ayant existés ne serait que fortuite et pure coïncidence)

« Une fois sur place, ces trois forcenés, sans égard par rapport à notre grand âge et à nos longues années de service à la chapelle, nous ont démontées, arrachées, dévissées portées, jetées dans une camionnette. Il y avait bien longtemps que je n’avais pas voyagé et jamais dans ces engins sans chevaux qui roulent tout seuls. Hélas, entassées pèle mêle les unes sur les autres, nous les boiseries de la chapelle, nous ne pouvions pas admirer le paysage et nous nous trouvions ballottées de droite et de gauche au gré des tournants de la route. Arrivés au terme de ce premier voyage, toujours sans ménagement, ils nous ont déchargées et, encore une fois, entassées dans la cave du presbytère de THARON.

« Ribouldingue, qui nous l’avons vu, imagina le chantier, de concert avec Filochard, en établit les plans, les mesures, les croquis et la conception. Avec autorité et compétence, le magicien mit en place le chantier, distribua les rôles et les tâches, allant de ses conseils à l’un et de ses explications à l’autre.

« Aidé de Croquignol, Ribouldingue nous fit suivre une cure d’amaigrissement, par un sévère délignage. Puis ces tortionnaires nous affublèrent de languettes et de rainures, si bien qu’en sortant de leurs mains expertes, nous étions transformées: finies les grosses planches épaisses, nous étions devenues de sveltes lattes élégantes.

« A peine sorties de ce supplice, Filochard nous happait et sourd à nos supplications, à l’aide de serre-joints il nous pressait si fort les unes contre les autres que nous en perdions la respiration. Puis, ainsi serrées comme des sardines, il nous enduisait de colle pour que nous formions de belles  planches.

« Enfin, pour nous remettre de nos émotions, Croquignol nous faisait une beauté en commençant par un massage délassant à force de ponçage. Il peaufinait notre beauté par une séance de maquillage à la lasure.

« Ribouldingue et Filochard nous scièrent, nous ajustèrent nous percèrent, nous montèrent. A ce petit jeu, les mains agiles et expertes de Filochard faisaient merveilles.

« Enfin, ce fut le grand jour, les trois compères nous chargèrent dans leurs voitures sans chevaux pour nous conduire au port de Quiberon où, encore une fois, on nous installa dans un container que l’on embarquait sur un bateau que l’on appelait la « navette ».

« Quelle expérience pour nous : c’était bien la première fois (certainement la dernière) que nous prenions la mer et que nous sentions le vent du large et les embruns ! Malgré notre appréhension pour un premier voyage, personne n’eut le mal de mer !

« Arrivées à Hoëdic, une machine sur quatre roues qu’ils appelaient un « tracteur » transporta notre container jusqu’au fort.

« La vie au fort était austère et difficile. En effet, nos travailleurs étaient soumis à l’autorité de leurs chefs (chacun étant chef dans sa partie, cela faisait beaucoup d’autorités : pas simple à gérer !), vivant, travaillant et dormant sur des lits de fortune au milieu des gravas, des planches, du matériel et du chantier. Néanmoins, ils ne se sont jamais départis de leur entrain et de leur bonne humeur ; c’était un vrai plaisir de se faire manipuler, monter et installer par une telle équipe.

« Enfin, au bout de plus de 430 heures d’un travail acharné, nous voici enfin réunies, montées et installées, maquillées pour constituer la belle cuisine que tu peux voir aujourd’hui, Petit Jean.

« -Voici, petit polisson, tu connais maintenant l’histoire de la « cuisine des anges ». Comprends-tu pourquoi, après avoir chanté les louanges du Bon Dieu durant plus d’un siècle, nous ne pouvons te laisser faire ce vilain péché de gourmandise : il te faut y renoncer ! »

Petit Jean, tout confus, promis qu’il était guéri et que plus jamais il se laisserait tenter par la gourmandise.

 

 

Un grand MERCI à Croquignol, Ribouldingue et Filochard pour toutes les heures passées sur ce projet et à Croquignol pour la qualité de sa prose permettant de graver dans le marbre cette belle histoire...

Création de la cuisine d'Hoedic
 
Création de la cuisine d'Hoedic