Vie de la Paroisse

La Sainteté : condition du vrai Bonheur

Par le Père Jean-Michel Poupard

Festival de la Foi 2013

Avant propos : Si l’on se promenait dans la rue en interrogeant le « tout-venant » : « Voulez-vous être heureux ?» Vraisemblablement tout le monde trouverait la réponse tellement évidente que l’on pourrait même s’étonner qu’elle soit posée.  Par contre, si l’on demandait au même public « s’il veut devenir saint ? » Il y a fort à parier, d’une part, que certains se demanderaient de quoi on parle et même chez des gens pétris de culture chrétienne, il pourrait bien y avoir beaucoup d’hésitations et même de peur tant on a dans la tête des représentations de la sainteté qui relèvent plus de la torture que de la joie de  vivre.

            Or, dans mon exposé, j’aimerais remettre les choses à l’endroit par rapport à cette fausse idée que l’on a plus ou moins de la Sainteté… Pour cela je vais prendre un exemple qui, j’espère, vous permettra de comprendre :

            Quand des gens sont amoureux, vous le savez, ils sont capables pour rencontrer l’être aimé de faire des prouesses qui dépassent complètement le bon sens habituel. Ils sont capables d’endurer les intempéries, d’entreprendre les démarches les plus compliquées et même pire encore sans pour autant se surprendre à hésiter ou si peu, tellement ils ne sont plus habités que par ce besoin impérieux de goûter à la présence de l’autre. Tout simplement parce que leur bonheur, c’est çà et ils ne peuvent le concevoir autrement.

            Si vous proposez les mêmes efforts ou les mêmes conditions à des gens qui ne ressentent pas ce sentiment amoureux impérieux, on vous dira qu’il faut être complètement fou pour en arriver à des comportements aussi peu raisonnables (voire ridicules)… Il n’empêche que le sentiment amoureux est une réalité qui n’est pas prêt de disparaître.

            Justement, il me semble qu’on a trop souvent présenter la sainteté comme quelque chose qui s’obtient à coup d’efforts et même de prouesses et de pénitences qui relèvent finalement beaucoup plus de la performance volontariste, voire du sadisme (jusqu’à en effrayer y compris les plus audacieux) que de ce qu’est réellement la « sainteté » dans le rêve de Dieu sur l’humanité… Car, dans la sainteté, finalement il s’agit beaucoup plus  de  « se laisser faire » (de se laisser aimer) par Dieu que de s’arquebouter sur un « vouloir faire » par soi-même à la force des poignets.

            Si, à la fin de ma causerie vous n’avez toujours pas compris  qu’être « Saint » ça n’a rien de triste, mais que c’est se laisser séduire par la proposition amoureuse de Dieu pour sa créature (comme un cadeau merveilleux et y trouver son bonheur) ça voudra sans doute dire que je n’ai pas employé les mots ou le ton qu’il fallait. J’espère que ce ne sera pas le cas.

 

            Ceci dit, j’en viens au sujet que l’on m’a demandé de traiter : “La Sainteté, condition du Bonheur» ou  «Pourquoi et  Comment nous, aujourd’hui, nous pouvons devenir des saints ? »

            Pour vous en parler, voilà le plan de ce que je vais essayer de suivre:

            1°) - Qu’est-ce que la sainteté ?

            2°) - Pourquoi Dieu veut-il que nous soyons Saints ?

            3°) - Comment s’y prend-il pour nous proposer d’y arriver ?

            4°) - Quelle doit être notre attitude pour tenter de répondre à cette attente de Dieu sur nous?

            Là-dessus, je vous propose  3 points principaux à considérer:

            a) - Eviter les déformations de la Sainteté

            b) - Situer le péché à sa vraie place (on le confond souvent avec nos pulsions ou ce qui fait qu’on n’est pas content de nous)

            c) - Et enfin, utiliser les moyens que le Christ met à notre disposition à travers son Eglise.

            Tout cela en Conclusion: Afin d’expérimenter combien tout devient effectivement possible pour qui se sait inconditionnellement aimer de Dieu.

            Donc “LA SAINTETE     

- I -

            1°) - Qu’est-ce que la Sainteté ? Pour moi, la sainteté, c’est le propre de Dieu, je veux dire qu’il n’y a que Dieu qui soit saint, au sens où il est absolument tout autre que tout ce que nous pouvons imaginer... Il est vraiment à part  (Séparé), au-dessus de tout ce qui est créé et donc de toutes nos catégories.

            Mais quand je dis: ”A part”, ce n’est pas dans le sens d’un original farfelu qui ne peut jamais faire comme tout le monde, mais c’est dans le sens positif où il est au-dessus de toute perfection: Il n’est pas seulement ce qui est Bon, il est “La Bonté”... Il n’est pas seulement Celui qui aime, il est  l’amour sans le moindre raté (sans la moindre bavure)... Il est la Vie; il est ce sans quoi, rien ne serait.

            Alors que nous, nous sommes forcément limités :

                        - Limités du fait que nous sommes créés.

                        -  Limités plus encore, parce que nous sommes pécheurs.

            Et par le fait même, tout ce que nous pourrons dire sur la sainteté ne sera toujours qu’un balbutiement, puisque pour parler de Dieu (en tant qu’il est Saint) Il faudrait être Dieu lui-même (Dieu seul pourrait parler de lui comme il faut).

            Evidemment dans cette logique, une question se pose: S’il n’y a que Dieu qui soit saint (comme le dit le chant: ”Toi, le seul Dieu, toi le seul saint, tu remplis le ciel et la terre”) et que lui seul pourrait nous dire exactement ce qui le concerne: “Pourquoi nous demande-t-il d’être saints? : “Soyez saints, parce que je suis Saint” dit la Bible (Lv 19/2). Ce que Jésus confirmera: ”Vous, vous serez parfaits comme votre Père du ciel est parfait” (Mt 5/48).

            Cela voudrait-il dire que Dieu nous demande l’impossible ?

            Eh bien oui, en quelque sorte, Dieu nous demande l’impossible, mais il nous le demande en ajoutant tout-de-suite dans l’Evangile :”Ce qui est impossible aux hommes est possible à Dieu”  ou comme l’ont formulé des spirituels: “Dieu donne, ce qu’il ordonne”  ce qui ne semblerait qu’une reprise de la phrase de Saint-Augustin: ”Da quod jubes; jube quod vis”  (Donne ce que tu commandes; commande ce que tu veux!).

            Autrement dit, si Dieu nous appelle à être des “séparés” (A être du monde, sans être du monde” Jn 15/19) et donc à être saints et “Tout autres” comme lui il est tout autre, c’est parce que c’est lui qui veut nous donner les moyens d’en être capables  (Ce qui est particulièrement important à savoir et à retenir à une époque où la tendance la plus courante est la performance (être le plus fort, le plus beau et se débrouiller par soi-même) ou alors , au contraire, l’ajustement sur ce que le plus grand nombre semble admettre, même si ça ne conduit qu’à la superficialité ou à la mort: les modes, le non-respect de la vie depuis l’embryon jusqu’à la mort naturelle, la destructuration de la famille etc.).

            Donc 1°) – La sainteté, c’est le propre de Dieu, mais un « propre » dont il rêve de nous faire le cadeau.

II

            Alors  2°) Pourquoi Dieu veut-il que nous soyons des Saints ? (Tout simplement pour que nous soyons aussi heureux que Lui)

            En nous appelant à être des saints, (des séparés, des gens qui rament à contre-courant), Dieu veut nous faire l’honneur et  la grâce de nous élever jusqu’à sa hauteur de Dieu, afin que nous y trouvions notre bonheur :”Entre dans la joie de ton Maître (Seigneur)” (Mt 25/21).

            Et c’est à tous les hommes sans exception qu’il voudrait faire entendre cet appel et offrir ce cadeau.   Bien sûr, à tous les “Baptisés” d’abord, ainsi que le dit le Concile Vatican II (dans la Constitution  “Lumen Gentium”  § 39-42):

            “De par  notre Baptême, nous sommes tous appelés à la sainteté”. Mais par répercussion ou par contagion, si vous préférez, à partir de notre propre réponse à “L’appel à la Sainteté”, c’est tous les hommes du monde entier et de tous les temps que Dieu appelle à la Sainteté, car c’est la condition pour que la terre entière (et même la création tout entière) retrouve l’Harmonie dont Dieu a rêvé pour elle dans son projet d’amour Créateur (C’est-à-dire : pour qu’en aimant comme Dieu aime et en vivant de ses commandements nous prenions le chemin qui tend à faire disparaître: les violences, les guerres, les viols, toute souffrance, la pollution, le mensonge sous toutes ses formes et pour qu’enfin Dieu soit pleinement glorifié, autrement dit: pour qu’il soit reconnu comme ayant bien fait tout ce qu’il a fait afin que ce soit Bon... Chose qui ne sera sans doute pleinement  réalisée qu’au ciel).

            En résumé, Dieu veut la sainteté pour que les hommes du monde entier parviennent  à la plénitude de l’amour et soient ainsi en accord, en pleine communion avec Lui (avec sa sainteté), c’est-à-dire avec la Vie et l’amour tels qu’il les a voulus... Quelqu’un a dit: “Négliger la Sainteté, c’est négliger le bonheur!” ou comme le dit encore Léon BLOY : « Il n’y a qu’une tristesse, c’est de n’être pas des saints ».  Le problème, c’est que tout le monde voudrait le bonheur, mais que, depuis le péché originel (la rupture de l’homme avec Dieu), chacun le voudrait à sa manière, selon son caprice personnel et non selon le projet initial de Dieu. (Ce qui brouille toutes les cartes et nous fait perdre de vue le vrai but de notre vie)

            Or, avec la sainteté, il s’agit de retrouver cette communion avec Dieu, avec sa pensée et ses sentiments ainsi que l’affirme Saint-Augustin: “Tu nous as faits pour toi, Seigneur, et notre coeur est sans repos, tant qu’il ne repose en toi”.

            Mais, encore une fois, en cela il s’agit bien d’un appel auquel Dieu veut nous rendre capables de répondre et non, parce que nous en serions capables par nos techniques, nos efforts surhumains et notre savoir-faire.

            Donc 2°). Dieu veut que nous soyons saints pour être pleinement heureux avec lui et comme Lui.

                                                                       III

            III - Maintenant, comment Dieu va-t-il s’y prendre, d’après l’Ecriture pour tenter de nous ramener à cette pleine communion et à cette plénitude de bonheur avec Lui ?

            Eh bien, il va nous proposer une Alliance à travers laquelle l’être Humain pourra vérifier à quel point Dieu veut son bien et ne veut que son Bien.

            C’est d’abord à Abraham qu’il fait une promesse en assurant  que celui-ci peut vraiment lui faire confiance et qu’il verra naître de sa chair une nombreuse descendance.

            Or, nous savons à partir de la Genèse qu’il ne s’agit pas d’une confiance dans la facilité et qu’à plusieurs reprises Abraham se demandera s’il a bien compris la promesse du Seigneur...

            Ainsi, Sara ne lui donnant pas d’enfant au bout d’un certain temps, il se dit qu’il lui faut probablement choisir  l’un de ses serviteurs comme héritier ; Mais Dieu lui fait comprendre: ”Non, tu auras un héritier de ton sang”.

            Puis, de nouveau, le temps passant  sans que vienne l’enfant promis, Sara propose alors qu’Abraham aille vers Agar sa servante (on voit ainsi que l’idée des mères porteuses n’est pas récente).... De nouveau Dieu dit: « Non tu auras un enfant de ta chair ».

            Enfin arrive Isaac confirmant comme le dira plus tard St-Paul : « Que ce que Dieu a promis, il est assez grand ensuite pour l’accomplir » (Ro 4/21).

            Puis, à travers la descendance d’Abraham, ce sera l’Alliance avec ce “Peuple choisi”, mais qui ne cessera lui aussi de tomber dans les doutes, les atermoiements et souvent les infidélités (à travers les idoles).

            Enfin Dieu envoie Jésus, son propre Fils (par des chemins qu’on n’aurait jamais soupçonnés : qui aurait pu imaginer en effet que Dieu serait visible dans un homme que l’on pourrait toucher et avec qui on pourrait parler ?). Celui-ci nous révèle le vrai visage du Père et son coeur toujours prêt à pardonner; il ne fait que les oeuvres du Père  (que ce qui ne vient que d’un amour sans faille et ne donne que la vie, jamais la mort, jusqu’à ne pas craindre (justement) d’y laisser sa propre vie d’homme).

            Or, en venant ainsi, et en ressuscitant au matin de Pâques, Jésus ne se fait pas seulement modèle pour nous montrer le chemin, mais il nous obtient le Pardon... En somme, il prend sur Lui tout le Mal de la condition humaine (comme si c’était lui qui l’avait fait) jusqu’à pouvoir dire à son Père: “Pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font”. Autrement dit, Aime-les du même amour que tu as pour moi; ils sont mes frères et pris leur place (Nous comprenons ainsi que Jésus n’est pas seulement le modèle du Bien à faire, il est encore plus le Sauveur, du moins si nous voulons bien accueillir ce salut, comme le Bon larron) (Je  reparlerai du « Bon Larron » dans un instant).

            Et ensuite, en instituant l’Eglise (elle-même pourtant constituée d’hommes pécheurs ...Qu’on pense à Pierre, à Jacques et Jean etc.), Lui, le seul Saint, il la rend sainte, c’est-à-dire qu’il en fait un Instrument pour donner tous les moyens possibles et imaginables de faire de nous des saints (que nous puissions devenir des saints) malgré nos misères :

- Par le sacrement du pardon, les péchés sont remis.

            - Par l’Eucharistie  (comme je vous ai aimés jusqu’à me laisser manger, aimez-vous);

            - Par le Don de l’Esprit-Saint (vous allez recevoir une Force et vous serez mes témoins; Ac 1/8)

            Tout cela pour qu’ensemble nous puissions sans cesse être remis en communion avec Dieu et les uns avec les autres... En parodiant la phrase : “C’est de l’acharnement thérapeutique”, on pourrait presque dire: C’est de l’acharnement mystique de la part de Dieu... Qu’est-ce Dieu ne ferait pas pour nous sauver (pour n’en perdre aucun)  et nous élever jusqu’à Lui :”Qu’est-ce donc que l’homme que tu te souviennes de lui “ nous disent les psaumes dont, en particulier le psaume 144/3.

            Voilà donc à quel point et par quel chemin, nous sommes vraiment appelés à être saints et pouvons réellement le devenir: Grâce à l’amour de Dieu manifesté en Jésus qui nous donne aujourd’hui sa Parole et son Eglise comme instruments de sanctification.

            Donc 3°) – Pour nous sanctifier, Dieu nous donne Jésus et son Eglise (et même, il nous donne Jésus par son Eglise sans laquelle tout serait flou et laissé aux interprétations les plus capricieuses).

IV

            Maintenant, sachant ce souci que Dieu a de vouloir faire de nous des saints pour remettre tous les hommes en communion avec Lui et les uns avec les autres (afin d’atteindre la plénitude du bonheur),

            Comment allons-nous répondre à son attente ?

Qu’allons-nous faire pour accueillir ce qu’il veut nous donner  et pour, effectivement devenir des saints... De cette sainteté, je l’ai déjà dit, qui n’est pas réservée à une catégorie privilégiée, mais à laquelle nous sommes tous, absolument tous, appelés quels que soient nos tempéraments (Généreux ou égoïstes), nos conditions sociales (riches ou pauvres, savants ou ignorants, mariés, célibataires ou divorcés, religieux ou prêtres, ouvriers ou cadres) Oui, comment allons-nous répondre à cette attente de Dieu sur chacun de nous ?

            Eh bien la première chose, je crois, ce sera d’en avoir le Désir profond et de le demander dans la prière.

            La deuxième chose : Ne pas se tromper de cible, en appelant “Sainteté” ce qui n’en serait que de fausses images comme par ex. la Course au merveilleux, ou encore comme le perfectionnisme ou le Volontarisme… ou bien, à l’opposé, en baissant les bras tant notre misère nous fait peur.

            (a) -Donc, ne pas se tromper de cible, par ex. par la course au merveilleux ou au magique lorsqu’on n’en finit pas d’aller d’un lieu d’apparition à un autre, d’une session de guérison à une autre, de quelqu’un qui reçoit des soi-disant messages du ciel à quelqu’un qui en reçoit encore plus ou des messages qui seraient encore mieux... Et cela, d’une façon tellement prioritaire qu’on en oublierait presque ce que nous disent l’Evangile et l’Eglise (Finalement ce ne sont guère que des formes d’idolâtrie).

            (b) - Ne pas se tromper de cible non plus en confondant la perfection avec la  Sainteté... Une perfection qui ferait qu’à force d’efforts nous arriverions à nous corriger de tous nos défauts... Or, ce perfectionnisme est, en fait, tout le contraire de la sainteté, car ça équivaut à croire qu’on va mériter l’amour à force de perfection, alors qu’on est plutôt dans une peur de ne pas être aimés (Vous le voyez : le perfectionnisme s’enracine dans le doute et la peur de pas être aimables). Autrement dit, le perfectionnisme, ce serait un doute sur l’amour que Dieu a pour chacun de nous (je ne mérite pas d’être aimé, mais il faut que j’y arrive) (pour ceux qui sont parents, imaginez que vos enfants  se comportent ainsi envers vous, est-ce que ce ne serait pas vu comme un doute de l’amour que vous avez pour eux)...   Cette attitude est souvent la conséquence d’une blessure émotionnelle et affective, j’y reviendrai dans un instant, mais pour le moment, face à ce risque assez fréquent du perfectionnisme pour mériter l’amour et pour aider à comprendre les choses avec le regard de Dieu, j’aime bien donner l’exemple du “Bon Larron” sur la croix près de Jésus. Cet homme est vraiment un criminel, il est loin de n’avoir fait que des choses bien. Et pourtant, dès qu’il se tourne vers Jésus en reconnaissant sa misère, il est prêt pour le Paradis (Ce soir même tu seras avec moi dans le paradis)... Sans doute s’il avait survécu, il aurait changé de vie, mais il n’est pas sûr qu’il aurait toujours réussi à ne pas laisser ses travers reprendre le dessus... Or, face à la même reconnaissance de sa misère, Jésus l’aurait encore accueilli... L’amour de Dieu est plus grand que notre péché. “Notre coeur aurait beau nous accuser, Dieu est plus grand que notre coeur”. (I Jn 3/20).

            (c) - Ne pas se tromper de cible encore avec le Volontarisme qui consiste à croire qu’à coup de volonté et d’efforts surhumains, nous arriverons à devenir des saints... C’est pratiquement ce que pensait Pierre avant son reniement :”Seigneur, Je donnerais ma vie pour toi”. (Jn 13/37) (Contrairement au perfectionnisme, le volontarisme s’enracine, non pas dans le doute, mais dans une sur estimation de soi et, donc, dans l’illusion)

            Dans ce cas, nous risquons très fort ou de présumer de nos capacités ou de confondre un bel idéal humain avec ce qu’est en fait la sainteté... Et dans cet idéal, il peut y avoir beaucoup d’inconscience ou d’orgueil (On pense pouvoir se sauver soi-même). Nous sommes là dans le domaine de la performance et non plus de l’accueil de l’incroyable amour de Dieu pour nous.

            Il n’est d’ailleurs pas rare que cette attitude nous conduise un jour ou l’autre à une grande déception de nous-mêmes, tant nous voyons le décalage entre ce dont nous avions rêvé et ce à quoi nous avons abouti... Le problème c’est que nous risquons plus d’être déçus de ne pas avoir réussi la belle image dont nous rêvions pour nous  (Je suis content de ma manière de prier, de ma générosité, d’avoir su éviter les pièges du péché etc.). Je suis plus content de ça que d’avoir manqué à l’amour et à la confiance en Dieu (Plus déçu d’avoir raté que d’avoir offensé Dieu), tout simplement parce que nous étions alors trop centrés sur nous et, quelque part, sur une tendance à vouloir faire nous-mêmes notre Salut... En d’autres termes, j’aurais voulu me sauver moi-même, et non d’abord  accueillir l’amour que Dieu a pour moi.       

            Cette tendance de la sainteté ou d’un Salut par nous-mêmes (à la force de nos poignets ou de notre savoir-faire) je crois qu’elle nous guette particulièrement quand nous sommes humainement trop facilement vertueux ou quand nous sommes  trop à la recherche d’un mieux-être ou de maîtrise de soi (que ce soit par le Yoga, la sophrologie, par les médecines parallèles (de façon excessive), par les incessantes sessions de guérison intérieure ou tout un tas d’autres techniques (ou savoir-faire)... Bien sûr, cela ne veut pas dit qu’il ne faut pas chercher les moyens d’une bonne hygiène de vie par des exercices physiques, une bonne respiration, par quelque bonne  méthode de présence au réel (Je pense, par ex. (entre autre) à la méthode Vittoz).... Mais, quoi que nous fassions, il n’y a rien sur terre qui nous donnera totale satisfaction (Rappelons-nous la phrase de St-Augustin que j’ai déjà citée: “Tu nous as faits pour toi, Seigneur, et notre coeur est sans repos tant qu’il ne repose en toi”).

            Et justement, à la limite, c’est tant mieux, si un jour nous sommes déçus de tous nos trucs utilisés, du moins, si cela nous fait crier vers Dieu... Sinon, il est si facile de devenir suffisant, plein de soi-même, donneur de leçons et souvent jusqu’à en être méprisants pour ceux qui malgré leurs efforts, semblent enlisés dans leurs incorrigibles travers. (Tim Guénard, dans son livre « Plus fort que la haine », raconte la misère qu’il a eu à dépasser son appétit su sexe… Il lui a fallu les nombreux pardon du Père Thomas et la véritable amitié de jeunes femmes qui l‘ont amené à comprendre que la personne est beaucoup plus qu’un objet de convoitise).

+  A partir de ces travers qui sont finalement un bon moyen de nous rendre compte de l’immensité de notre pauvreté, permettez-moi de faire un petit détour sur ce que l’on appelle les “péchés capitaux” pour essayer de mieux voir la différence entre blessure et péché.

Vous les connaissez sans doute ces péchés dits “capitaux”: l’Orgueil, la Luxure, la Colère, l’Avarice, la Jalousie, la gourmandise et la Paresse (ou autre mensonge d’ailleurs, car sous des dehors attirants, tous ces appétits excessifs ne sont que des tromperies)... Certes, loin de moi, l’idée de dire que ce ne sont pas des péchés, c’est-à-dire des comportements qui sont contraire à l’amour et à la communion avec Dieu et à l’harmonie entre nous tous.... Mais à partir de l’écoute et de l’accompagnement des personnes, il me faut bien reconnaître que dans bon nombre de cas, ces comportements s’enracinent dans une frustration de départ, je veux dire dans une expérience où durant la petite enfance ou même, dès le sein maternel, un foetus ou un petit bébé a pu percevoir un choc émotionnel lui donnant le sentiment de ne pas être accueilli avec amour ou, même, d’être rejeté par sa mère, par son père ou par les personnes qui s’occupaient de lui...             

            Par ex. pour la luxure,

Je pense à un homme d’une cinquantaine d’année que j’ai eu à accompagner au cours d’une session “Agapè”... Il était compulsivement coureur de jupons...C’était plus fort que lui, même si ça l’humiliait et le faisait souffrir (et si ça faisait aussi souffrir)... Or, en analysant les choses et aussi par la grâce charismatique de prophétie d’une personne, on a découvert que lorsque sa mère l’avait mis au monde, elle l’avait fait comme  en se débarrassant d’une corvée; elle l’avait alors confié à une nourrice (sans jamais lui manifester son affection)... Et alors en grandissant le comportement de cet homme était devenu comme une recherche insatiable de la mère à travers la femme en général et aussi comme un moyen de se venger d’elle, en laissant tomber ses conquêtes une fois sa pulsion assouvie...

L’Orgueil

            Or si je regarde l’orgueil ou aussi le besoin de fabuler ou de mentir, il y a souvent derrière comme un sentiment de ne pas avoir été reconnu dans sa vraie valeur et d’être continuellement comme dans un besoin de mendier cette reconnaissance en jouant des coudes, en parlant sans cesse de ses exploits, en en rajoutant même des faux ou en cherchant à rabaisser les autres pour se donner à soi le sentiment d’être quelqu’un (mais finalement en produisant exactement le contraire de l’effet attendu, c’est-à-dire: en agaçant la plupart du temps et en se faisant rejeter encore un peu plus).

            La jalousie

            Souvent  dans la jalousie, il y a aussi quelque chose qui ressemble à ça: le besoin de rabaisser les autres, d’être mordant  etc. pour me situer moi ou alors, la tendance à devenir triste parce que je ne suis pas comme l’autre ou n’ai pas ce qu’il a ou encore avec un besoin impérieux d’acheter plein de choses pour combler une frustration (On pourrait parler de “fièvre acheteuse”)... Le bon remède, ce serait de demander à Dieu de nous révéler qui nous sommes à ses yeux, sans avoir besoin de nous comparer sans cesse, car lui, il ne s’est pas trompé à nous faire exister et il sait bien  que nous avons de la valeur (C’est nous qui ne connaissons pas notre valeur)... Personnellement, J’aime bien la phrase de frère Roger de Taizé: « Là où personne ne ressemble, là l’Esprit t’attend ».

            L’avarice

            Si je regarde l’attitude de l’Avare,  C’est probablement quelqu’un qui a manqué de sécurité et qui cherche à se rassurer en accumulant des biens ou tout un tas d’autres moyens de se protéger ...

            La Colère

            La Colère est peut-être surtout liée au sentiment qu’on n’a pas été juste à notre égard et alors, ça se traduit par de l’agressivité et des règlements de compte qui peuvent être très violents.

            La Gourmandise        

            Quant à la gourmandise  qui tournera  peut-être tantôt  à la boulimie, tantôt à l’anorexie (aussi paradoxal que ça puisse paraître), avec vraisemblablement un sentiment de culpabilité qui s’y ajoute, il y a fort à parier qu’il y a à l’origine une frustration affective (des marques d’affection qui ne sont pas venues) ou au contraire, une surprotection inquiète étouffante qui vont se traduire  par des besoins de compenser, de s’évader (en nourriture, en vêtements de rechange ou, au contraire, en rejetant, en repoussant) tout en culpabilisant (je l’ai dit) car le jeune enfant ne connaît que deux langages:  « Je suis aimé ou je ne le suis pas » ...Or puisque mes parents sont des personnes adultes qui savent donc ce qu’il faut  faire, s’ils ne m’ont pas donné l’affection que j’attendais, c’est que je ne la méritais pas... Autrement dit: je ne suis pas aimable, donc c’est de ma faute (et l’on passe son temps à culpabiliser.)

            La Paresse

            Enfin au sujet de la Paresse, quand on sait combien le fait de se savoir aimé donne de fortes motivations pour agir, il n’y aurait rien d’étonnant que ce soit lié à l’impression de ne pas compter, ni à ses propres yeux, ni aux yeux des autres ou au moins de quelqu’un.

            Toutefois, à partir de ce tour d’horizon sur les frustrations possibles entraînant des comportements négatifs, n’allez pas croire que je veuille tout excuser et nous dispenser de tout effort pour nous corriger de nos défauts (Se corriger de ses défauts est indispensable pour mieux servir et  pour mieux aimer aussi bien Dieu que les autres)... Mais savoir où s’enracinent nos mauvaises tendances est précisément ce qui va nous permettre de devenir plus humbles, plus libres, plus compréhensifs et plus indulgents les uns vis-à-vis des autres (y compris: vis-à-vis de nous-mêmes)...”C’est la miséricorde que je veux et non les sacrifices” nous rappelle Jésus dans l’Evangile... Et cela, il n’y a qu’à partir de la certitude d’être passionnément voulu et aimé par le Dieu qui nous fait exister  que nous pourrons y parvenir... J’aurais envie de dire: Ce n’est qu’à partir de là que nous pourrons nous laisser faire par Dieu ainsi que le laisse entendre le Concile dans la constitution “Lumen Gentium”: “Appelés par Dieu, non au titre de leurs oeuvres, mais au titre de son dessein d’amour et de sa grâce, les disciples du Christ sont devenus Fils de Dieu par le Baptême et, ainsi, participants de la nature divine, même s’il leur faut maintenant, avec la grâce de Dieu, conserver cette sanctification et l’achever par leur vie”.

            Or, justement, en plus de cette certitude d’être follement aimés de Dieu (ce qui sera toujours premier dans la foi chrétienne), quels vont être maintenant les remèdes à nos travers et les moyens à prendre  pour accueillir ce dont il veut nous rendre capables?  En voici dix :

 

            Le Désir et la prière

            - Eh bien, je l’ai déjà dit, il nous faut  certainement déjà  avoir le Désir profond de nous laisser sanctifier et le demander dans la prière avec insistance: « Demandez et vous recevrez....Combien plus le Père du ciel donnera-t-il l’Esprit-Saint à ceux qui le lui demandent »”. (Lc 11/9-13)

            Le Silence et l’écoute

            - Il nous faut aussi prendre des temps de silences pour lire et écouter la Parole de Dieu dans les Ecritures pour la ruminer et la laisser faire son oeuvre en nous. C’est à force de fréquenter quelqu’un que l’on finit par lui ressembler... Donc importance de fréquenter Jésus dans sa Parole pour lui ressembler. Il nous faut aussi prendre le temps de l’écouter en Eglise (avec les frères) et de nous nourrir du Corps du Christ dans la Communion... D’où l’importance de la fidélité dans la pratique religieuse de même que de l’acceptation de nous laisser interpeller les uns par les autres.

            Le sacrement du pardon

             - Il nous faut encore humblement reconnaître notre misère (sans toujours chercher à nous justifier) comme le Bon Larron sur la croix et accueillir le Pardon que l’Eglise tient à notre disposition avec le sacrement de réconciliation (Même si ça peut paraître routinier, cela entretient le désir de faire la volonté de Dieu  et redit notre souci d’accueillir la grâce pour progresser).

            L’Ascèse

            Et, même si j’ai dit qu’il ne fallait pas tomber dans la performance, pourquoi ne pas s’entraîner aussi à certains exercices réguliers de pénitence (donc d’un certain renoncement par ex. dans la nourriture, la télé, le papotage etc.)... C’est un excellent moyen de nous entraîner à nous unir à la Croix de Jésus pour qu’il transforme en amour tout ce qui nous contrarie et, en même temps ça permet de vérifier si l’esprit garde les commandes à une époque où règne plutôt la tendance à laisser faire l’instinct (où l’on croit qu’être libre, c’est toujours suivre ses envies)... Mais ça peut aussi  être un moyen de prendre conscience de nos blocages ou de nos frustrations (Quand on voit qu’on ne peut maîtriser par ex. une boulimie, on peut se demander ce qui a pu être à l’origine d’une pulsion aussi impérieuse, alors qu’elle n’apporte pourtant aucune réelle satisfaction).

            La Contemplation de Marie

             - Egalement nous gagnerons certainement à contempler  l’attitude de la Vierge Marie dans ses “Oui” successifs aux évènements de la Vie (A l’Annonciation, sans craindre le regard des autres, à la bousculade de la fuite en Egypte, au temple de Jérusalem (avec son angoisse), dans la vie courante, durant la vie publique, à la croix, etc.

            L’Accompagnement spirituel

            - Mais autant que possible, choisir de nous faire accompagner dans notre cheminement spirituel...C’est un excellent moyen pour y voir plus clair (éviter de tourner en rond sur soi-même) et pour progresser sur les voies de la sainteté ... Bien conseillé, on peut plus facilement déculpabiliser  (s’il y a lieu) ou, au contraire, être stimulé (Quand on s’est ouvert à quelqu’un d’autre, ça engage un peu plus (Il faudra que je puisse rendre compte de mon progrès ou de mon sur-place).

            La Guérison intérieure

            - Eventuellement, pourquoi ne pas participer à une session de guérison intérieure pour qu’en repérant les causes de mes comportements compulsifs, je puisse trouver un peu plus de vraie liberté personnelle dans mes décisions ou mes attitudes. (Pourvu que ça ne devienne pas (je l’ai déjà dit) une course sans fin à un bien-être parfait qui, de toute façon, ne sera jamais là).

            Croire au Don de l’Esprit

            - Et, bien sûr, Croire que Jésus veut vraiment réaliser en nous sa promesse de nous donner son Esprit-Saint: “Vous allez recevoir une Force, celle de l’Esprit-Saint, et vous serez mes témoins” (Ac.1/8). Ne craignons pas de lui demander comment être ces témoins, afin que beaucoup d’autres découvrent  aussi cet incroyable amour de Dieu pour eux et que le monde en soit transfiguré… Plus nous serons transformés nous-mêmes par l’Esprit-Saint et plus nous apporterons au monde. (“Acquiers en toi la Paix et les gens par milliers trouveront près de toi le Salut”).(St S.de Sarov)

            L’exemple des saints

            - Bien sûr, on peut lire aussi des vies de Saints et faire appel à leur aide (Pourquoi pas ?). Après avoir connu nos difficultés, ils ne demandent certainement pas mieux que de nous aider, mais à condition que ce soit pour comprendre comment ils ont accueilli le don de Dieu en eux et l’ont fait fructifier, et non pas pour devenir comme eux, car nous avons chacun à vivre notre propre sainteté (Rappelez-vous la phrase du frère Roger: ”Là où personne ne ressemble à personne, là l’Esprit t’attend”).  Je pense à Bernadette de Lourdes dont les supérieures disaient qu’elle n’était bonne à rien et que le Seigneur a rendu sainte à travers la prière et les humbles tâches quotidiennes de l’aide aux malades.

            Partager ce qui nous est bon

            - Naturellement, si l’on a bien compris que grandir en sainteté, c’est grandir en amour et donc en communion non seulement avec Dieu mais avec tous nos frères de la terre, une manière particulière d’en vivre l’application ce sera, autant que faire se peut, d’essayer avec délicatesse, d’en faire profiter le plus grand nombre autour de nous … Vous le savez sans doute, l’amour est la seule chose qui grandit quand on la partage, alors n’ayons pas peur de le faire grandir (en ne perdant jamais de vue, bien sûr, qu’il ne s’agit pas d’endoctriner, c’est-à-dire d’amener les autres à penser forcément comme nous, mais de les faire profiter de ce qui nous est vraiment bon à nous. Par ex. si nous avons été contents d’un parcours « Alpha » ou d’un moment du « festival de la Foi », parlons-en à d’autres pour qu’à leur tour, ils puissent éventuellement en profiter une autre fois).

Conclusion :

 

            Mais en faisant appel à tous ces moyens (et sans doute à d’autres auxquels je n’ai pas pensé). Demandons surtout au Seigneur, comment il nous veut saints et où il veut que nous le réalisions, alors des miracles ne manqueront pas de se produire ainsi qu’il le laisse entendre par le prophète Isaïe: “Ainsi parle le Seigneur, Celui qui t’a créé (untel, une telle)... Je t’ai appelé par ton Nom, tu es à moi...Si tu traverses les eaux, je serai avec toi, elles ne te submergeront pas... Si tu passes par le feu, tu ne souffriras pas et la flamme ne te brûlera pas, car je suis le Seigneur ton Dieu, tu comptes beaucoup à mes yeux...Tu as du prix et je t’aime; Ne crains pas je suis avec toi” (Is.43).ou encore: ”Non, jamais, je ne t’abandonnerai...Jamais, je ne te lâcherai” (Héb. 13)… N’est-ce pas là, de la part du Seigneur, une véritable déclaration amoureuse pour chacun ?

            Voilà, je crois qu’avec ces indications, vous avez au moins quelques ingrédients importants pour vous laisser hisser jusqu’à la hauteur de la Sainteté et du bonheur de Dieu puisque tel est son désir le plus cher dans l’amour fou qu’il a pour chacun de nous: “ Que nous soyons saints comme lui-même est Saint”... C’est cela faire la gloire (ou la joie) de Dieu en contribuant (même si c’est très petitement) au salut d’un monde qui, il est vrai, semble bien peu s’en préoccuper, alors que c’est pourtant son bonheur le plus profond qui est en jeu.

 

 

 

 

 

 

 

 

La Sainteté par JM Poupard
 
La Sainteté par JM Poupard