Vie de la Paroisse

Diaconia 2013
Pornic - 11 mars 2012

 

Introduction

en lisant les pages du « livre des fragilités » et les pages du « livre des merveilles » de votre belle paroisse, je me suis aperçu que beaucoup d’entre vous ont déjà longuement médité la scène/Cène du lavement des pieds que St Jean nous rapporte au chapitre 13 de son évangile….

Mais pour commencer notre partage, j’aimerais que nous regardions - une fois encore - ce que fait et ce que dit Jésus ce jour-là…

oui…regardons une fois encore Jésus qui se lève de table au soir du Jeudi-Saint…qui prend un linge de service qu’il noue autour de ses reins et qui lave les pieds de ses apôtres en les aimant jusqu’au bout…

bien que le texte ne le dise pas explicitement, Jésus s’est alors sans doute agenouillé devant ses apôtres…

voici qu’en Jésus, Dieu prend la décision de se mettre à genoux devant l’homme !…voici que le « trois fois Saint » se plie et se courbe devant le fini et le pécheur !…voici que Jésus, dans un geste prophétique qui annonce sa Croix, va jusqu’au bout, jusqu’au fond, jusqu’au bas de sa sainte incarnation et de ce grand mouvement d’abaissement dont nous parle avec grandeur l’hymne de la lettre aux Philippiens : « il s’est dépouillé, prenant la condition de serviteur…devenant semblable aux hommes et reconnu à son aspect comme un homme…il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort, à la mort sur la Croix… » ( Ph 2 ; 7 )

pourquoi Jésus s’est-il, sans doute, agenouillé devant ses frères ?…certainement parce que c’est plus facile et plus commode quand on veut laver les pieds de quelqu’un…mais surtout parce qu’ainsi Jésus pouvait regarder ses apôtres de bas en haut…et que c’est en regardant quelqu’un de bas en haut – physiquement et en esprit – qu’on peut vraiment l’aimer, le respecter et l’aider à grandir…

eh bien !…cela…c’est tout le contraire de l’attitude spontanée de notre monde où règnent assez habituellement la domination et la compétition…

le contraire du professeur lointain qui toise ses élèves du haut de son savoir et de son estrade

le contraire de l’employeur qui fait asseoir celui qui vient demander du travail dans un fauteuil bien moelleux en contrebas pour mieux l’impressionner

le contraire du grand patron d’hôpital qui fait sa visite du matin avec toute la cour de ses assistants et de ses étudiants en médecine …qui surplombe le lit du malade...et qui parle de la maladie d’un tel plutôt que du malade qu’il rencontre

le contraire de l’Occident qui regarde les pays du Sud souvent de haut et par intérêt à cause des ressources minières dont nous déclarons avoir nécessairement besoin

lorsqu’il lave les pieds de ses apôtres, Jésus ne se met pas seulement au même niveau qu’eux, ce qui serait déjà un grand progrès vis à vis des situations de pouvoir et de domination que nous connaissons dans nos relations sociales et internationales habituelles…

mais, en se mettant à genoux devant eux…il se met plus bas qu’eux pour mieux les aimer et mieux les faire grandir…comme le dit le titre d’un très beau livre du poète Christian Bobin sur St François d’Assise ( qu’affectionne particulièrement votre curé !!! ),  Jésus est vraiment le Très-Bas…en Jésus, le Très-Haut se met à genoux devant les hommes pour devenir le Très-Bas… et voilà ce qu’il nous dit : « ce que j’ai fait pour vous, faites-le vous aussi » ( Jn 13 ; 15 )

une Eglise tout entière servante

la triple tâche de l’Eglise

comme le rappelle le Pape Benoit XVI, l’Église est constituée par trois tâches fondamentales : l’annonce de la Parole (prédication), la célébration des sacrements (liturgie) et le service de la charité (diaconie).

 

ces trois piliers de la vie chrétienne sont inséparables….ils s’appellent et se fécondent l’un l’autre….au point que si l’une de ces dimensions manque à l’Eglise, celle-ci est forcément bancale et ne tient pas debout  !...

 

une communauté qui annonce doit aussi célébrer et vivre ce qu’elle annonce et célèbre….

 

*une annonce qui ne s’incarnerait pas dans le service et la célébration ne serait que parole qui s’envole ( «  paroles ! paroles ! paroles !  chantait Dalida…en écho lointain à ce que nous dit St Jacques : «  si elle n’a pas les œuvres ( le concret, le service ), la foi est tout à fait morte »)

 

*une célébration qui n’accueille pas la vie et qui ne renvoie pas sur les parvis risquerait de vite devenir la coquille vide d’un ensemble de rites déconnectés du réel…

 

*un service sans annonce ( en actes et en paroles ) de Celui qui nous envoie et sans le culte du cœur qui lui est dû se transformerait en une sorte « d’assistance sociale » qu’on pourrait laisser à d’autres qui l’accompliraient, d’ailleurs, souvent beaucoup mieux que nous

 

 

« La diaconie de l’amour, qui ne doit jamais faire défaut dans nos Églises, doit toujours être unie à l’annonce de la Parole et à la célébration des saints Mystères ». (Verbum Domini, n° 25).

 

La diaconie « au centre »

La conviction qui est au cœur du chantier Diaconia 2013 est que l’avenir de la foi et de l’Eglise passe par un retour de la diaconie « au centre » et « au cœur » de la vie chrétienne.

Jésus nous a dit : « je suis au milieu de vous comme celui qui sert »  ( Lc 22, 27 )….en regardant Jésus qui est « au milieu » lorsqu’il sert, nous sommes invités – nous qui voulons le suivre et parce que le serviteur n’est pas plus grand que son Maître – nous sommes invités, conviés, convoqués à mettre ou à remettre le service et la diaconie au milieu de la vie chrétienne, au centre de l’Eglise, servante du Royaume au coeur du monde qu’elle veut servir et dont elle veut prendre soin…

Et il s’agit là, sans doute, si l’on regarde l’histoire, d’un juste et sain/ saint retour aux sources…

Les Actes des Apôtres nous montrent, en effet, une belle solidarité vécue entre les membres de la première communauté chrétienne et les plus démunis qu’elle compte en son sein. Une mise en commun des biens permettait de venir en aide à ceux qui étaient frappés par le malheur et c’est notamment pour assurer ce service – qui était étroitement articulé à la vie cultuelle de la communauté – que le ministère des diacres a été institué.

Dans les premiers siècles de l’Église, l’attention aux plus fragiles concernait tous les membres de la communauté chrétienne. Mais par la suite, au fil des siècles, la participation des baptisés à la diaconie de l’Église a eu tendance à se limiter à des dons en argent. Ils ont délégué à des acteurs spécialisés (congrégations,  monastères, services d’Église…) la mise en oeuvre concrète de la solidarité avec les plus démunis.

en résumé, on peut dire que la diaconie a progressivement émigré du centre vers la périphérie de l’Église…..or l’objectif de Diaconia 2013 est de remettre la diaconie au centre de la vie chrétienne…en lui redonnant son sens théologal profond…

-en rappelant fortement qu’elle n’est pas une simple conséquence de la foi, mais qu’elle se situe en son coeur comme son « terreau ».

-en rappelant que le service des frères est un « lieu-source » pour la vie de foi en ce qu’il  est révélation de la présence de Dieu lui-même au coeur de l’humanité blessée…..au point que les chrétiens, lorsqu’ils vivent leurs engagements solidaires - à l’intérieur ou non du cadre ecclésial – peuvent vivre une expérience de type sacramentel.

Servir la charité par la diaconie n’est plus alors seulement un « devoir » éthique mais, de manière plus profonde, un « rendez-vous avec le Christ ».

 Les multiples « facettes » de la diaconie

Si l’on regarde attentivement le Nouveau-Testament, on s’aperçoit que celui-ci emploie le terme «  diaconie » dans plusieurs sens qu’il est bon de relever

*premièrement, il désigne la mission du Christ lui-même : « le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude » (Mc 10, 45).

 

*deuxièmement, il évoque une façon de vivre les rapports humains dans la communauté : c’est une invitation à ne pas rechercher les premières places mais à vivre selon la logique du Christ : une présence joyeuse, un engagement risqué, une existence livrée (Mc 9, 35 : « Si quelqu'un veut être le premier, il sera le dernier de tous et le serviteur de tous »).

 

*troisièmement, il renvoie à la mission des disciples, qui se disent « serviteurs » : ce terme intègre alors aussi l’annonce de la Parole.

 

*quatrièmement, il s’utilise pour nommer l’entraide entre les communautés (Ac 11, 29) et l’activité de service auprès des personnes les plus démunies (Ac 6).

 

Au total, la « diaconie » apparaît comme une invitation à vivre des relations différentes à la suite de Jésus, où chacun se lie véritablement à ses frères et soeurs et se met au service de tous.

 

Cette mise en pratique de l’Évangile conduit à vivre dans la dynamique de l’Alliance, en se confrontant aux logiques du monde. Par conséquent, la « diaconie » est bien plus que l’addition d’actions de solidarité ou qu’un ensemble d’instances spécialisées. Il s’agit, à travers ces engagements mais aussi la vie quotidienne, de « convertir » toutes nos relations - proches et lointaines - à la lumière de l’Évangile, y compris avec ceux qui ne partagent pas notre foi.

 

Il en découle que, dans l’Église, nul ne peut s’approprier la diaconie en disant : « « c’est mon affaire », puisque c’est l’affaire de tous. Inversement, personne ne peut s’en sentir exempté en disant à d’autres : « c’est votre affaire » ! …et si l’Eglise ordonne des diacres , ce n’est pas pour en faire des « spécialistes » du service mais d’humbles « signes » pour rappeler à tous qu’ils sont envoyés pour servir à la suite du Christ Serviteur…

 

Nous devons, dans notre vie de service, être « tout à tous » puisque nous sommes tous frères…cependant, cette conversion de nos rapports humains doit d’abord se vérifier avec les plus vulnérables de notre société, sans lesquels nous ne pouvons accueillir pleinement la Bonne Nouvelle : les pauvres et les souffrants ont en effet un trésor à partager, en particulier à l’Eglise qu’ils sont appelés à évangéliser. La communauté chrétienne ne pourrait donc pas grandir sans leur donner une place de choix dans sa prière et dans sa vie

 

«  en vérité, je vous le dis…dans la mesure où vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » ( Mt 25, 40 )

 

La grande question – comme nous le rappelle Jean Vanier – étant d’essayer de toujours « marcher au pas de ces plus petits »….

 

 

Qui est mon prochain ?

 

Relations « courtes » et relations « longues »

 

La Doctrine Sociale de l’Eglise nous enseigne que notre charité doit se déployer à travers les relations courtes, de personne à personne, et à travers les relations longues, moins immédiates mais tout aussi importantes, qui agissent sur les structures de la société pour les transformer de l’intérieur à la lumière et dans la force de l’Evangile…

 

Certains sont plus à l’aise dans le vis-à-vis et le côte-à-côte avec les personnes….d’autres s’engagent résolument dans la vie publique et politique pour transformer les mécanismes sociaux et économiques dans le sens d’une plus grande justice et d’une plus grande fraternité…toujours est-il que ces deux dimensions sont importantes et qu’elles doivent être également honorées….

 

Les pages des livres que vous avez écrites montrent bien cela…

*avec la mention des nombreux « compagnons d’Emmaüs » de la paroisse….dans le service de la catéchèse, du service évangélique des malades, au Secours catholique, dans les équipes MCR , de l’accompagnement des familles en deuil ou de l’ACI, dans les relations de voisinage…

je cite quelques phrases ( parmi beaucoup d’autres….)

«  aller vers l’autre et l’aider, c’est un moment de bonheur »

« une personne sonne tous les soirs chez sa voisine âgée qui vient d’être opérée… « c’est la veilleuse de nuit qui vient vous dire bonsoir » !

« une petite fille que j’avais en catéchèse il y a quatre ans est venue me demander d’être son « compagnon d’Emmaüs pour l’accompagner vers sa première communion… »

« un enfant autiste s’attache à une catéchiste et avance doucement dans la vie…il dit à qui veut l’entendre : « Madame X…, c’est elle qui m’apporte le bonheur »…

« savoir entourer avec compassion les personnes dans la peine »

*relations courtes en « vis-à-vis » et en « côte-à-côte » avec le prochain proche…mais aussi relations plus longues au service du prochain plus lointain…comme l’exprime l’équipe CCFD – Terre solidaire : « année après année, notre équipe agit pour le développement des populations du sud et de l’est de l’Europe…elle informe l’opinion sur les difficultés rencontrées par les peuples les plus pauvres et s’attache à montrer les initiatives qu’ils prennent pour se relever. »

Une diaconie appelée –aussi – à se faire publique et politique

En se montrant particulièrement sensibles aux plus faibles, en luttant à leurs côtés pour une société plus juste, plus digne et plus fraternelle, les chrétiens peuvent – en effet – jouer un rôle de veille et de mobilisation particulièrement nécessaire face aux logiques dominantes du monde. C’est aussi un enjeu pour collaborer avec celles et ceux qui n’appartiennent pas à l’Église car en tant qu’elle est au service de la fraternité entre tous, la diaconie concerne en effet la société dans son ensemble.

Enracinée dans la Passion du Christ et dans l’histoire souffrante de l’humanité, la parole des pauvres ( pour peu qu’on leur donné la parole !.... ce qui est une question lourde )…la parole des plus pauvres nous ouvre en outre à la dimension collective de la diaconie. Lorsque les chrétiens prennent en compte la parole des pauvres comme faisant partie de la révélation de la présence de Dieu dans notre histoire, ils se portent à leurs côtés pour contester les structures injustes de la société.

 

En fraternité avec les personnes démunies, ils s’engagent alors publiquement dans une diaconie politique de protestation, d’interpellation et de proposition. Les prophètes de l’Ancien Testament avaient initié cette attitude du « croyant avocat des pauvres », que Jésus a reprise à son compte. De nos jours, l’action de type prophétique, fondée sur une cohérence de vie en relation aux personnes fragiles, demeure un modèle de mise en pratique de la Parole de Dieu. La diaconie prolonge ainsi la Parole de Dieu dans l’espace public, à partir des lieux où l’humanité est menacée ou meurtrie.

 

J’ai eu la chance et la grâce de vivre un peu cette dimension prophétique en accompagnant pendant plusieurs années la fraternité des Pèlerins de l’Eau Vive et en rencontrant Marion Cahour – prophète de notre temps – qui n’hésitait pas à interpeller vigoureusement et l’Eglise et les pouvoirs publics face à ce terrible fléau de l’alcool capable de tout détruire…

 

 

Il ne vous a pas échappé que nous sommes en période électorale !!! ….eh bien, je crois que nous pourrions relire «  avec les lunettes de la diaconie » le texte que le Conseil permanent de la Conférence des Evêques de France a adressé aux croyants dès le mois d’octobre dernier

 

Sans, bien sûr, donner de consignes de vote ( car ce n’est pas le rôle de l’Eglise ), les Evêques soulignent quelques points d’attention à partir de l’affirmation de « l’option préférentielle pour les pauvres » qui est celle de l’Eglise…à ne pas entendre au sens d’une option facultative ( comme au bac ) qu’on serait libre de choisir ou de ne pas choisir…mais au sens d’une orientation, d’un choix prioritaire, d’une visée et d’une exigence renvoyant à l’être profond de l’Eglise et à sa mission

Je cite les têtes de chapitre énumérés dans l’optique d’un « développement intégral pour tous » et pour le service du « bien commun » dont le politique est en charge…

des chapitres - non hiérarchisés a-priori - que l’on peut lire sous l’angle du service de l’homme et de la diaconie à laquelle, comme chrétiens et avec d’autres, nous sommes tous convoqués… :

Le service de la vie naissante, de la famille, de l’éducation, de la jeunesse, du vivre ensemble dans la cité, de l’environnement, de la justice, de la coopération internationale, des personnes ayant un handicap, de la fin de vie, de la culture, de l’Europe, de la laïcité et de la vie en société…

Monsieur le Curé de Pornic vous a peut-être transmis ce texte de nos Evêques ?....si non, il ne va pas tarder à le faire !!!!

 

Quelques attitudes requises des « diakonoi » que nous sommes !

S’agenouiller devant nos frères

Lorsque Jésus passe à nouveau à table avec ses amis le Jeudi-Saint, il leur dit : « ce que j’ai fait pour vous, faites-le vous aussi » ( Jn 13 ; 15 )

cela veut dire que pour servir nos frères comme Jésus le fait, il nous faut, nous aussi, emprunter ce chemin d’abaissement et d’agenouillement qui est celui de Jésus…

cela veut dire qu’il nous faut ré-entendre le souhait pressant de Paul : « ne faites rien par rivalité, rien par gloriole…mais avec humilité considérez les autres comme supérieurs à vous-mêmes » ( Ph 2 ; 3 )

l’un d’entre vous dit très bien cela : « en servant nos frères, nous avons le sentiment de construire quelque chose ensemble dans une grande pauvreté…cette pauvreté nous conduit à l’humilité… »

nous pouvons et nous devons demander cela au Seigneur dans la prière : oui ! Seigneur…viens faire de nous des serviteurs quelconques qui, une fois leur service accompli, disent : « nous avons fait seulement ce que nous devions faire » ( Lc 17 ; 10 )… enlève de mon cœur toute espèce de secrète vanité qui me fait parfois comparer mon service à celui de mes frères en le trouvant plus beau et  plus important que le leur…dans l’exercice même de mon service, fais-moi vraiment considérer mes frères comme supérieurs à moi-même…ne permets pas que je me serve de mon service comme d’un pouvoir qui écrase ou qui infantilise mes frères…dans la manière d’exercer mon service, fais que j’accepte de m’effacer, de m’abaisser et de diminuer pour que mes frères puissent grandir et se sentir de mieux en mieux aimés…

 

donner et recevoir

beaucoup d’entre vous soulignent que dans le service de nos frères il est assez facile de donner ( quoique !...) mais qu’il est beaucoup plus difficile de recevoir…

« il est plus facile de rendre service que d’accueillir un service pour soi »….. « nous sommes comme Pierre…il est difficile de se laisser laver les pieds…il est plus facile de donner que de recevoir »…. « un homme malade qui a passé sa vie à servir dit à ceux qui le soignent : « j’ai donné beaucoup mais que c’est difficile de recevoir »…

certes, « il y a plus de joie à donner qu’à recevoir » ( Ac 20 ,  )…certes, nous devons donner sans espérer rien en retour car le véritable amour-agapé auquel le Seigneur nous convoque est totalement gratuit et désintéressé…nous ne sommes pas ici dans le « donnant-donnant » ou le « gagnant-gagnant »…mais il n’empêche que notre expérience nous montre combien nous recevons en donnant…

un cœur qui donne avec joie, et que Dieu aime pour cela, ne demande rien, n’exige rien, ne revendique rien… mais nous sommes les témoins émerveillés que, sans le rechercher, nous recevons beaucoup en donnant et que - même  - nous nous recevons, nous nous trouvons nous-mêmes en donnant…

cela est beau…et il faut demander au Seigneur de nous débarrasser de cette espèce de gêne et de cette fausse humilité qui nous habitent parfois lorsque nous servons nos frères…en pensant qu’il faut nous oublier totalement….non !...c’est encore un beau service que d’accepter et d’accueillir humblement l’amour que les frères nous portent… 

j’aime bien la scène évangélique des quatre hommes qui portent un jour leur ami malade sur un brancard en le faisant passer par le toit et qui le déposent aux pieds de Jésus ( Mc 2 ,1-12) …il y a là une belle image de la réciprocité qui doit se vivre entre les frères qui se portent mutuellement…l’un de vous le dit très clairement : « servir, c’est parfois porter l’autre et, réciproquement, accepter qu’il me porte »

à certains moments de notre vie, nous sommes l’un de ces quatre braves brancardiers de l’Evangile qui portent avec beaucoup de foi, d’ardeur, d’amour  et de désintéressement notre frère malade et blessé…mais à d’autres moments, c’est nous ( les brancardiers d’hier ) qui sommes sur le brancard et ce qui nous est demandé à ce moment-là, c’est de nous abandonner  dans la confiance, de nous laisser porter, de nous laisser dorloter, consoler par nos frères qui nous portent…

laisser mon frère poursuivre son chemin

nous ne sommes pas propriétaires du service qui nous est confié…et, surtout, nous ne sommes pas propriétaires des frères que nous servons ou que nous avons servi à un moment de leur vie…

quand le diacre Philippe a assuré son service auprès de l’eunuque éthiopien qui l’avait invité  à monter près de lui dans son char pour qu’il lui serve de guide pour lire et comprendre les Ecritures( Ac 8, ),  il nous est dit que « l’eunuque ne le vit plus mais qu’il poursuivit son chemin dans la joie…. »

Tout comme Jésus avait lui aussi disparu aux yeux de chair des deux pèlerins d’Emmaüs dès qu’ils l’eurent reconnu à la fraction du pain dans l’auberge…de même Philippe est-il « emporté » dès qu’il a plongé l’eunuque dans les eaux de son baptême…

Pour éviter que ne s’installent des attaches trop humaines et trop affectives entre évangélisé et évangélisateur…entre celui qui sert et celui qui est servi… qui risqueraient de se vivre sous le mode de l’enfermement…

Sans doute aussi pour montrer et rappeler à Philippe ( et à tous les serviteurs de tous les temps ) que l’on n’est jamais propriétaires de ceux que l’on a servi et que, comme la mer se retire pour faire exister la plage, il est nécessaire de se retirer sans s’imposer pour que nos frères puissent poursuivre leur propre chemin dans la joie et la liberté des enfants de Dieu.

 

« j’étais un étranger et vous m’avez accueilli » ( Mt 25, 35 )

Le Père Remy m’a aussi demandé de vous dire en quelques mots comment– comme baptisé et comme diacre ordonné à la diaconie de l’Eglise – j’essaie de faire mien le chantier de Diaconia 2013

J’essaie de le faire dans plusieurs directions, comme me le demande ma lettre de nomination…par exemple dans le cadre du Service Evangélique des Malades de notre paroisse…mais aussi auprès des étudiants étrangers très nombreux sur notre quartier dont je vais vous dire quelques mots…

là aussi…je suis, comme vous tous dans votre service, témoin des fragilités humaines et des merveilles que le Seigneur fait !

Fragilités d’adaptation

Si nos frères étudiants sont, par définition, bien armés intellectuellement pour construire leur vie, il n’en reste pas moins qu’ils connaissent, eux-aussi, plusieurs fragilités humaines pouvant conduire à de véritables situations de détresse ( comme le révèlent régulièrement les services sociaux et de santé universitaires). Il faut, en effet, s’adapter rapidement à un nouveau contexte de vie, parfois très éloigné de ce qu’ils ont connu « au pays »…changement parfois brutal des conditions climatiques et des habitudes alimentaires…nécessité de se repérer dans la grande ville et dans les méandres des circuits administratifs…et surtout affronter la situation de solitude loin des siens et du pays…

Fragilités financières

Une bourse d’études ne permet pas de faire des folies…et ceux ( nombreux ) qui ne sont pas boursiers doivent impérativement et rapidement trouver un « petit boulot » qui leur permettra de vivre / survivre, tout en augmentant la fatigue  (par exemple en hôtellerie /restauration ) peu propice à une bonne concentration intellectuelle. Je me souviens de ces deux étudiants ivoiriens qui, lors des évènements dramatiques traversés par leur pays au début de l’année 2011, devaient compter centime après centime parce que la paralysie totale du système bancaire de leur pays les empêchait de recevoir pendant plusieurs mois l’aide financière de leurs parents…

Fragilités relationnelles et affectives

Car il faut affronter courageusement la solitude en intégrant d’emblée la perspective de ne pas pouvoir rentrer au pays avant longtemps ( faute de moyens financiers pour se payer le voyage onéreux en avion ). Je me souviens de Josefina, une jeune étudiante mexicaine qui venait d’arriver à Nantes depuis quelques jours et que nous avions trouvé presqu’en pleurs un dimanche, assise sur le dernier banc de l’église St François d’Assise…tellement triste et désemparée qu’elle décidait de retourner dans son pays quelques mois après…Fragilités aussi parce que leur réseau de relations étant par définition très limité, la difficulté est grande, par exemple , spécialement dans le contexte économique que nous connaissons aujourd’hui, de trouver un stage en entreprise, pourtant essentiel à la validation de leur cursus d’études.

Fragilités provoquées par la confrontation des cultures

Même si la plupart des étudiants ont une connaissance préalable de la culture occidentale et française, le choc peut être rude !...je me souviendrai longtemps de Phylicia, une étudiante gabonaise, à qui je demandais en la croisant dans le quartier comment elle avait trouvé la messe à laquelle elle avait participé, le dimanche précédent. Elle m’avait répondu après un temps d’hésitation : « quand je suis rentrée chez moi…quand j’ai refermé derrière moi la porte de ma chambre universitaire, je me suis mise à pleurer…. »…elle avait été tellement surprise et désarçonnée de trouver, à cette messe, si peu de jeunes et si peu de joie… Autant de fragilités humaines à accueillir et à respecter pour essayer de les porter ensemble…une étudiante libanaise disait récemment à l’équipe liturgique qu’elle avait rejoint : « nous avons tellement besoin d’être soutenus moralement en arrivant ici…. »

 

Merveilles de la JOIE….

« la joie de croire » ( telle qu’en son temps le Père Varillon la décrivait et l’appelait de ses vœux ) existe bien !...la joie, parce qu’elle est communicative, suscite des liens et crée naturellement la fraternité car elle souligne et exprime le bonheur d’être ensemble.

Cette joie nous est, en particulier bien que non exclusivement, « donnée à voir » et à vivre par nos frères étudiants africains et sud-américains. Elle a été pleinement vécue par les jeunes des JMJ de Madrid…une vingtaine de jeunes de notre paroisse y ont participé et cela a été une « merveille » pour eux et pour notre paroisse qui s’est beaucoup mobilisée l’an dernier pour les soutenir aux plans matériel et spirituel. La joie partagée était bien perceptible lors du concert donné le 18 juin à Saint François d’Assise !...et elle était bien visible aussi au retour sur le parking de la Beaujoire ! De nombreuses amitiés se sont nouées à Madrid dans un climat de joie partagée, beaucoup d’adresses mails et numéros de portable !

Si nous savons leur faire une place, notamment dans nos liturgies, et « laisser jaillir l’Esprit », les étudiants ayant vécu les JMJ peuvent nous aider à reprendre souffle au cœur de notre Occident pour une part « fatigué de croire », comme le soulignait récemment notre Pape Benoit XVI. Réjouissons-nous que certains étudiants se soient engagés les années passées et s’engagent encore aujourd’hui pour animer une Eucharistie dominicale de temps en temps.

 

Merveilles de la FOI…

Je suis témoin de la foi des jeunes étudiants étrangers…une foi dont l’expression peut, bien sûr, être différente de celle de nos pays de vieille chrétienté…une foi qui fait tenir dans les difficultés et les épreuves, comme celle de Varlène – étudiant de la Côte d’Ivoire – qui vivait si douloureusement les dramatiques événements de son pays l’an dernier mais qui , sans se départir de son sourire, « tenait dans la foi » au milieu de l’épreuve dans une grande confiance dans le Christ .

 

Merveilles de l’AMOUR fraternel

Au fur et à mesure que le groupe des étudiants prend corps et visage sur la paroisse, des liens se créent entre les étudiants qui se parlent de plus en plus à la sortie de la messe. Merveille – aussi – des liens d’amitié qui s’instaurent entre étudiants et paroissiens. Qu’il est beau et important de voir quelques familles qui acceptent d’ouvrir leur porte pour accueillir de temps en temps un étudiant « venu d’ailleurs » pour un repas partagé, une ballade, un échange, une aide concrète pour le guider dans ses démarches administratives ( trouver un stage, renouveler sa carte de séjour, rechercher un job d’été…)

Belle occasion donnée ainsi aux enfants et aux jeunes de ces familles de s’ouvrir naturellement à l’accueil de la différence…belle occasion ouverte à tous de partager nos différences culturelles.

Liens qui demeurent et qui durent, par mails et textos interposés, lorsque les étudiants croisés ici s’en sont allés rejoindre leur pays ou continuer leurs études sous d’autres cieux.C’est ainsi que mon carnet d’adresses s’internationalise beaucoup depuis quelques années….au point que je pourrai partir demain pour faire un tour du monde !

 

Conclusion : « prendre Marie chez nous »

Prenons Marie chez nous !...puisqu’elle est la première en chemin…puisqu’elle est « la servante du Seigneur »…elle nous apprendra au long des jours ce que servir veut dire…

Nous ne savons pas grand-chose de la vie cachée à Nazareth mais nul doute que Marie et Joseph durent vivre la diaconie au quotidien…

Nous en savons, en revanche, un peu plus sur l’attitude de Marie à Cana en Galilée lors de la première manifestation publique de Jésus d’après l’Evangile selon St Jean…

Ici, nous voyons en quoi Marie est totalement la servante du Seigneur…figure et modèle de cette triple diaconie dont nous parlions au début…

*Au service de la Parole faite chair lorsqu’elle nous dit de faire tout ce que Jésus – la Parole définitive du Père – nous dira de faire

*Au service de la Liturgie – d’une certaine manière ! – puisqu’elle participe aux rites humains d’un mariage que la Présence de Jésus vient élever et sanctifier

*Au service de la Charité puisqu’elle se fait proche et solidaire du besoin et du manque de ce jeune couple dont la belle fête risquait de tourner à la catastrophe…

dans l’exercice de notre service, puissions-nous dire – nous aussi – comme et avec Marie : « je suis la servante…je suis le serviteur… du Seigneur…des frères qu’il me donne à aimer et à consoler…de son Eglise…et du monde que Dieu aime et sauve. »

Alain Gueydier, diacre
Pornic - 11 mars 2012

 

 

 

 

 

 

 

 

Enseignement Alain Geydier
 
Enseignement Alain Geydier